Le Parti démocrate du Japon (PDJ-centre) qui a promis de mener une politique plus sociale, «au service de la vie des gens», met fin au règne du Parti Libéral-Démocrate (PLD-droite). La majorité des 103 millions d'électeurs semble avoir décidé de sanctionner les excès de la politique libérale du PLD, responsable, selon eux, de l'aggravation des disparités sociales, du chômage et de la précarité dans la deuxième économie du monde. Le parti démocrate, un mouvement créé en 1998 par des transfuges du PLD, a remporté hier les législatives et son président, Yukio Hatoyama, 62 ans, devrait être nommé Premier ministre par le nouveau Parlement d'ici deux semaines. Selon les estimations, il obtiendrait entre 298 et 329 des 480 sièges que compte la Chambre des représentants. Le Parti Libéral du Premier ministre, Taro Aso, qui a régné quasiment sans interruption depuis 54 ans à l'exception d'une parenthèse de onze mois en 1993-1994, ne récolterait qu'entre 84 et 131 sièges. Déjà majoritaire au Sénat, grâce à l'apport de deux autres partis d'opposition, les démocrates qui ont obtenu, selon les analystes, plus un vote de rejet qu'un vote d'adhésion, vont désormais avoir un contrôle absolu sur le Parlement et la voie libre pour mener leurs réformes et leur politique « au service de la vie des gens », basée sur un programme généreux d'allocations pour les retraités, les familles et les plus démunis. Partisan de la relance économique par la consommation, le PDJ a promis la gratuité partielle de l'éducation, une prime à la naissance et la suppression des péages sur les autoroutes et une chasse aux « gaspillages » budgétaires (travaux publics superflus, subventions clientélistes aux régions). Coût annuel de ce programme : 125 milliards d'euros à partir de 2012 ! Le futur Premier ministre, un héritier d'une dynastie comparée à celle des Kennedy, qui a juré de briser le puissant monopole des bureaucrates sur l'administration et la vie politique et de redistribuer le revenu national ne compte pas s'arrêter à des retouches économiques. Partisan d'un Japon plus indépendant des Etats-Unis, il compte se tourner davantage vers l'Asie, notamment la Chine, la Corée du Sud, réduire à terme le nombre de bases et de soldats américains (environ 47.000 actuellement) et tenter un règlement du différend territorial avec la Russie à propos des Kouriles occupées par Moscou depuis 1945. Réussira-t-il son pari ? Le PDJ, qui n'a jamais gouverné, semble avoir mal choisi l'heure de sa victoire : il prend les rênes d'un pays qui se débat dans la pire récession de l'après-guerre et un chômage sans précédent (5,7%) et une décroissance démographique. Selon les projections de l'US Census Bureau, un institut des études démographiques, la population de l'archipel pourrait chuter à 94 millions d'habitants en 2050. Le PLD qui a fait du Japon la deuxième puissance économique du monde et réussi à se maintenir en s'appuyant sur le grand patronat et la toute-puissante bureaucratie d'Etat, laissera-t-il les démocrates mener leurs réformes ?