Le conflit des Grands Lacs qui a embrasé, après le génocide rwandais en 1994, une partie de l'Afrique dans les années 1996-97, avec sept pays en guerre sur le sol de la République Démocratique du Congo (RDC) dont les richesses minières sont l'objet de toutes les convoitises, revient pour occuper les devants de la scène. Depuis une semaine, on ne parle que du rapport de l'ONU sur les meurtres, viols et pillages massifs de 1993 à 2003 en RDC et des 154 viols perpétrés, fin juillet, par des éléments des Forces démocratiques de libération du Rwanda et des miliciens maï-maï» dans le Nord Kivu, sous le regard des forces de maintien de la paix. Le rapport de 600 pages établi par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme sur les « violations les plus graves des droits de l'Homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 en RDC» accable le Rwanda, un pays voisin. À l'époque, Mobutu Sese Seko faisait face à une rébellion conduite par Joseph Désiré Kabila et l'armée rwandaise était en territoire congolais pour combattre les rebelles Interahamwe composés de Hutus ayant fui le Rwanda après le génocide. Selon le document, «des attaques systématiques et généralisées contre des Hutus réfugiés) révèlent plusieurs éléments accablants qui, s'ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiées de génocide». L'Ouganda, l'Angola, le Burundi sont cités dans ces massacres des réfugiés hutus pendant les deux guerres qui se sont déroulées au Congo (1996-1998 et 1998-2002) qui pourraient être qualifiés d'actes de génocide. Des faits sont mis à leur charge. Les crimes de guerre perpétrés contre les Hutus en RDC rappellent le génocide rwandais de 1994, selon Luc Côté, qui a cosigné le rapport commandé par le Haut-Commissariat qui compte faciliter les poursuites judiciaires contre les auteurs de ces «crimes contre l'humanité, crimes de guerre, voire de génocide». Kinshasa qui rappelle que la dénonciation des crimes commis dans l'ex-Zaïre «n'est pas nouvelle» et qu'elle a « depuis longtemps dénoncé les violations des droits de l'Homme» sur son sol, applaudit. Elle compte saisir la cour internationale de Justice «pour obtenir la sanction des violations des droits humains par les Etats» qui ont agressé la RDC. La rébellion demande à l'ONU de «mettre en place sans délai une commission d'enquête internationale indépendante chargée de faire toute la lumière sur tous ces actes criminels». Elle se dit prête à «collaborer» avec cette commission et «disposée» à rencontrer le numéro deux du département de maintien de la paix de l'ONU, Atul Khare. LE RWANDA MENACE Le président Paul Kagamé mais vice-président depuis 1994 et leader du Front patriotique rwandais depuis 1991, serait la cible de ce rapport il aurait fourni des armes, des munitions et des camps d'entraînement à la rébellion congolaise . Il menace de retirer les 3 300 casques bleus rwandais au Darfour. Au siège de l'ONU à New York où on sait que leur départ sera difficile à combler, la menace est prise au sérieux. Kigali qualifie ces accusations de «malveillantes, grotesques et ridicules». «Il est inacceptable que les Nations unies, une organisation qui a échoué dans le génocide au Rwanda (en 1994) et les crises (humanitaires) qui s'en sont suivies, accusent cette fois-ci l'armée qui a pu arrêter ces atrocités», affirme dans un communiqué le gouvernement rwandais. Vers un froid entre le Rwanda, le Congo et l'ONU ? Sans doute. Le rapport renvoie à un procès et les deux parties citées ne pourraient que se rentrer dedans qui pour accuser l'autre qui pour se défendre. Selon le Haut-Commissariat de des Nations unies pour les réfugiés (HCR), au moins 1 244 femmes ont été violées au cours du premier trimestre 2010 dont un tiers dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, deux provinces infestées de groupes armés. Soit «près de 14 viols par jour en moyenne». «Ce chiffre qui est révoltant représente une avancée dans la lutte menée contre les violences sexuelles au Congo. Selon Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais, «la RDC est passée de 15 384 cas de viol par an en moyenne en 1996 à 4 976 cas» en 2010. Soit une réduction de près de 70 % » et …200.000 femmes violées depuis 1996. Triste inventaire. Le timing choisi par l'Onu suscite moult interrogations. Certains connaisseurs de la région se demandent si les artisans de cette remise en selle n'est pas annonciatrice d'une prochaine instabilité des Grands Lacs qui ont commencé à renouer avec la paix, la sécurité et la coopération économique.