En cette soirée Sanaâ de samedi, l'assistance s'est délectée du passage des deux associations culturelles et artistiques « El Djenadia » de Boufarik et « El Kaissaria » de Cherchell. Seule fausse note de la soirée, les deux formations ont interprété, à la grande surprise des professionnels, la même nouba, la nopuba H'ssine. A ce sujet, les deux présidents des associations regrettent cette programmation. Pour eux, la faute incombe aux organisateurs. « On a envoyé aux organisateurs le programme tracé à cette occasion. On ne comprend pas pourquoi on a mis deux formations avec un programme similaire », s'interrogent les deux formations. Les concertistes d'El Kaissaria de Cherchell, dirigés par Abdeljalil Ghobrini, ont choisi de mettre au programme de cette soirée « Noubet H'ssine » dans ses différents mouvements et ses variations mélodiques. Permettant un voyage de qualité au cœur du patrimoine, l'orchestration pleine, émise par des instruments à cordes dominés par les sonorités relevées de luths, marque l'identité sonore et la noblesse de ce genre patrimonial. Les glissements déchirants du « R'beb », soutenus par les sons coulissés de l'archet sur des violons alto, ont contribué à dessiner des atmosphères aux tons dignes et hautains, portant en triomphe la finesse du goût et la fierté du ton de l'Algérie ancestrale. El Djenadia de Boufarik et son orchestre dirigé par Boughazala Hamad Nassim a proposé au public une suite dans la même nouba H'ssine, puis un b'tayhi « Ayouha al moudjawir » suivi d'un agréable darj « Koul youm bachayir », enchaînant les belles mélodies portées par des rythmes du terroir évoquant, ainsi, la richesse et la diversité culturelles algériennes. Une odyssée musicale sur fond mélancolique d'amour, de tendresse et de nostalgie, soit un dialogue magnifique entre les errements des différents instruments présents sur scène. Les prestataires et leurs productions L'association El Djenadia, qui porte le nom du cheikh Boualem Djenadi (1903-1972), artiste de talent natif de la ville de Boufarik, a été fondée en 1985 à l'initiative de mélomanes de la musique andalouse avec, pour objectifs, de faire revivre ce patrimoine musical et d'asseoir une véritable école d'où émergeront les futurs talents et virtuoses dans ce domaine. Cette école, qui se répartit sur quatre niveaux, dispense un enseignement à la fois théorique et pratique qui forme ses élèves aux techniques de la nouba dans ses différents modes « moual, raml el maya, zidane, djarka, aârak, sika et mezmoum ». Cette formation est complétée par un riche répertoire dans le genre aâroubi, hawzi, medh... selon la tradition de l'Ecole de la sanaâ d'Alger à laquelle se rattache l'association. Connue à l'échelle nationale pour figurer parmi les meilleurs orchestres d'Algérie, l'association El Djenadia participe régulièrement aux différentes manifestations de haut niveau organisées dans le pays tels que le festival international de musique andalouse et de musiques anciennes d'Alger (2007 et 2008), le Festival national de la musique andalouse sanaâ d'Alger où elle est primée trois fois (2007, 2008 et 2011) et le festival de la musique hawzi de Tlemcen (2009) où elle obtient également le deuxième prix. L'association El Djenadia s'est plusieurs fois produite à l'étranger, récemment en Serbie et à Paris (2013). Ses élèves Bensaïd Rezkallah et Bouzar Ali ont obtenu respectivement le premier prix au concours international de la mandoline à Ankara (Turquie) en 2010 et le deuxième prix au concours national de la mandoline lors de l'édition 2011 du festival international de la musique andalouse et musiques anciennes d'Alger. Pour l'association El Kaissaria de Cherchell, c'est sans doute de l'apport des musulmans expulsés d'Espagne au XVIe siècle que Cherchell qui, comme beaucoup des villes côtières algériennes, fut une de leurs destinations privilégiées, tient son patrimoine musical andalou si particulièrement ancré. L'association culturelle et artistique El Kaissaria de Cherchell est l'une des plus actives parmi les associations qui ont donné un regain d'énergie au patrimoine andalou. C'est pour sauvegarder et développer cette musique profondément ancrée dans les familles que l'association El Kaissaria a vu le jour en 1994 et s'est rapidement fait connaître à travers ses participations dans les différentes wilayas du territoire national. Comme beaucoup d'autres associations, son école mixte compte trois niveaux et c'est sa classe supérieure qui la représente dans les différentes soirées artistiques et événements culturels auxquels l'association participe. Ainsi, en dehors des multiples manifestations régionales qu'elle anime ou organise (elle a notamment organisé un colloque scientifique ayant pour thème « Le renouveau de la nouba maghrébine » en 2009), elle participe à toutes les manifestations nationales de haut niveau et notamment les festivals de Constantine, de Tlemcen, de Annaba et le festival national de la musique sanaâ d'Alger au cours duquel elle a obtenu le deuxième prix en 2010.