L'enquête en question a été déclenchée par des vétérans des campagnes des essais nucléaires français dans le Sahara algérien qui a abouti au déclassement de cette carte sur les vastes zones de contamination, restées secrètes jusque-là, rendue publique par le journal français Le Parisien. Ce journal révèle l'étendue des retombées radioactives des essais nucléaires français dans le Sahara algérien, dont les effets recouvrent toute l'Afrique du Nord et même subsaharienne. Treize jours, en effet, après le tir de la première bombe aérienne française, Gerboise bleue, des retombées radioactives ont atteint les côtes espagnoles, recouvrant même la moitié de la Sicile, en Italie. Les normes de radioactivité induites par ces essais ont nettement été dépassées à certains endroits, notamment à Arak, près de Tamanrasset, où l'eau était fortement contaminée, mais aussi dans la capitale tchadienne N'Djamena, alors que dans les documents classés « secret-défense », les militaires français assuraient que ces normes étaient « généralement très faibles ». « Sauf que les normes de l'époque étaient beaucoup moins strictes que maintenant et que les progrès de la médecine ont démontré depuis, que même à de faibles doses, la radioactivité peut déclencher dix, vingt ou trente ans plus tard, de graves maladies », a indiqué Bruno Barillot, expert en essais nucléaires. Il ajoutera que la carte de zonage des retombées de Gerboise bleue montre que certains radioéléments éjectés par les explosions aériennes ont pu être inhalés par les populations malgré leur dilution dans l'atmosphère. « Le fonctionnement de reclassification n'est pas satisfaisant, il faut réformer l'accès à ces informations si l'on veut connaître la vérité. Malgré la déclassification de quelques documents depuis 2013, dont le contenu semble avoir échappé aux censeurs de la Commission consultative, il faut noter la frilosité du ministère de la Défense dans sa politique de déclassification des documents, encore couverts par le secret-défense », dit-il. Il s'agit avant tout, selon lui, au travers des documents sélectionnés par les autorités militaires, de justifier le discours tenu depuis plus d'un demi-siècle sur les essais « propres », la « quasi-innocuité sanitaire » des retombées radioactives et les essais souterrains « parfaitement contenus ». « Le tout étant couronné par un système dit d'indemnisation des victimes des essais nucléaires qui rejette la quasi-totalité des dossiers au prétexte que le risque encouru par les victimes était négligeable », déplore-t-il. La juriste algérienne, Fatma Benbraham, a estimé, dans ce contexte, que la France doit rendre des comptes, soulignant que « le mythe de la bombe propre » est fini.