Aïn Benian se meurt, Aïn Benian se pleure. A 16 km d'Alger centre, l'ex-coquette petit village balnéaire, d'une altitude de 21 mètres et couvrant une superficie de 13,26 km2, coincé entre Hammamet à l'est, Staoueli à l'ouest, Cheraga au sud et la Méditerranée au nord, a mal grandi. L'historique centre ville offre le visage hideux d'une agglomération à l'abandon. Les bâtisses, jadis si joyeuses, ne sont même pas ruines, elles sont juste rongées par le temps et l'oubli. Les deux salles de cinéma, l'ancien boulodrome, la place Marguerite, le square communal... fleurissent de désespoir. Même les poissons rouges qui agrémentaient le bassin du monument aux morts ont fui pour des eaux plus clémentes. Plus loin, vers Cheraga ou Staoueli, les larges espaces de ruralité, « diadème » aux multiples fermes, qui faisaient la richesse de la cité grâce à une agriculture florissante, ont viré vers le gris d'un béton froid, sans poésie. Le ravin et sa source rafraîchissante où, le printemps venu, oiseaux et papillons taquinaient le soleil ne sont plus qu'une large bande d'habitat urbain où bouteilles et autres sachets en plastique envahissent les quelques herbes qui résistent. La sur-urbanisation irréfléchie, sauvage, disgracieuse a « verrouillé » toutes les issues, sans pour autant se « munir » des nécessaires structures d'accompagnement. Que dire alors du front de mer ? La guirlande de criques et de plages, ceinturant l'onde azur, défigurée, se morfond, désormais, dans un destin fait de gravats et détritus en tous genres, symbole d'un modèle de consommation débridé en quête de repères. La ville perd son âme dans... l'indifférence. Livrée aux travers de l'oisiveté dominante, elle attend, immobile, un improbable lendemain meilleur. Un lendemain qui passe, sans conteste, par l'élaboration d'une stratégie à même de donner à la ville une vocation économique, susceptible de secouer l'inertie dangereuse qui la caractérise. De l'agriculture à... Aïn Benian, depuis son érection au statut de commune, le 28 novembre 1874, a connu une certaine prospérité. Jusqu'à l'indépendance, la ville vivait de ses richesses agricoles et accessoirement de la pêche et du tourisme. Son micro-climat avait favorisé une production agricole dense, particulièrement les primeurs (chasselas) que l'on exportait vers le continent européen à travers un réseau de magasins d'expédition. A l'indépendance, le raisin n'ayant plus sa raison d'être, d'autres cultures prirent le relais alors qu'une série de petites manufactures de textiles préparaient la ville, alors village, à l'industrialisation. C'est ainsi que durant les années 70, Aïn Benian attirait une importante main-d'œuvre que ce soit dans l'industrie ou l'agriculture. Jusqu'au début de la décennie 80, l'économie de la commune reposait, presque exclusivement, sur ces deux secteurs. La crise du textile portera un dur coup à l'activité économique de la ville. Néanmoins, le boom du bâtiment, durant la décennie 80, a, un tant soit peu, absorbé l'importante main-d'œuvre. Mais la « médaille » n'était pas sans revers. La sur-urbanisation, loin de s'inscrire dans un projet global, se contentait de répondre à l'exponentielle demande de logements. Quitte à planter de « hautes plantes » en béton sur des terres fertiles. D'autant que l'érection de Hammamet (Baïnem) au rang de commune en 1982 a amputé la ville d'une partie de ses territoires. Ainsi mourut la vocation agricole en même temps que « s'effilochait » le textile. Toutefois, la crise économique mondiale qui toucha le pays, à partir de 1986, mit un brusque frein à l'essor urbanistique et plongea la commune dans une période marquée par une quasi absence d'activité économique. Entre-temps, la population s'est multipliée par dix (près de 70.000 habitants selon le recensement de 2008). C'est dire l'étendu du challenge auquel font face les gestionnaires de la cité. D'autant que les loisirs ont fondu comme neige au soleil. Les deux salles de cinéma font, désormais, partie du passé et le sport, qui avait tant fait la fierté du « village », notamment en décrochant quatre années de suite, durant la décennie 80, le titre de meilleure commune sportive d'Algérie, avec pas moins de quatorze disciplines, est devenu « atone ». Aujourd'hui, le constat est là, implacable : Aïn Benian navigue à vue, sans cap. Pour les jeunes, le trafic de kif et autres psychotropes est devenu la principale « industrie ». Il y a urgence à redonner à la commune une vocation. Les atouts, malgré tout, ne manquent pas. La Marina, la plage artificielle, ses « sœurs » naturelles et le port de plaisance d'El Djamila, les dolmens du Clos de la grotte (preuve que la région était habitée bien avant la colonisation), peuvent constituer le point de départ d'un projet touristique qui redonnera à la ville sa prospérité. L'ancien centre-ville, en quête de rénovation, pourrait, à terme, revivre en s'égayant de touristes à l'image du modèle réussi de la voisine Staoueli... Aux gestionnaires de la commune de se secouer les méninges.