Du Sud de Tlemcen jusqu'aux zones steppiques de Naâma, le décor montre à quel point la steppe est menacée. Ces immenses terres qui s'étendent sur des milliers d'hectares sont plus qu'agressées. De grandes étendues de steppes denses d'alfa ont été détruites suite aux aléas climatiques et à l'exploitation par l'homme et les troupeaux de moutons durant des années. La production d'alfa dans les régions de Tlemcen était immense. Elle est estimée à plusieurs milliers de tonnes, générant ainsi de nombreux emplois. Pour 2013, les services des forêts ont indiqué que pour la production uniquement, il est enregistré quelque 200 tonnes. Selon Dr Nedjimi, spécialiste : « La croissance démographique permanente et le désir de l'amélioration du revenu familial, associés à la précarité climatique, ont été à l'origine d'une profonde transformation du milieu naturel en steppe algérienne. Cette transformation s'observe par la genèse d'un certain nombre de phénomènes, indicateurs de la dégradation du milieu. Parmi les plus frappants, on cite essentiellement la détérioration de la qualité des parcours avec la baisse de leur productivité, la salinisation et la désertification des sols et, enfin, l'érosion des ressources génétiques et la baisse de la biodiversité ». Selon lui, les steppes algériennes constituent l'espace privilégié de l'élevage ovin extensif. « Ces parcours naturels qui jouent un rôle fondamental dans l'économie agricole du pays sont soumis à des sécheresses récurrentes et à une pression anthropique croissante : surpâturage, exploitation de terres impropres aux cultures... Depuis plus d'une trentaine d'années, ils connaissent une dégradation de plus en plus accentuée de toutes les composantes de l'écosystème (flore, couvert végétal, sol et ses éléments, faune et son habitat). » Dégradation totale Une virée au cœur de cette zone steppique montre l'ampleur des dégâts. Les éleveurs, notamment les nomades, envahissent les terres mises en défens. S'ajoutent les défrichements pour la culture céréalière. Selon El Hadj Ahmed, éleveur, rencontré sur les lieux, l'éleveur souffre sur tous les plans. « Nous vivons le calvaire avec la cherté de l'aliment du bétail. J'ai un troupeau composé de 650 têtes, et je suis obligé de le lâcher et le laisser aller paître dans la steppe. » En effet, cette exploitation permanente des pâturages naturels, avec une charge animale supérieure au potentiel de production des parcours, a pour effet de réduire leur capacité de régénération naturelle. Selon bon nombre d'éleveurs interrogés, l'effectif du cheptel pâturant en zones steppiques a doublé, notamment l'espèce ovine. Certains d'entre ces propriétaires qui ne font pas appel aux vétérinaires subissent des pertes énormes. D'autres, par contre, cèdent leur mouton à des prix abordables. A titre d'exemple, le meilleur mouton est cédé à 34 000 dinars. La chute de ces prix est due aux difficultés qu'affronte l'éleveur, d'une part, et la frontière surveillée empêchant la fuite du cheptel vers le Maroc, de l'autre. « Il y a des mois que la contrebande du cheptel a cessé », a indiqué un éleveur habitant la frontière près de la commune d'El Kesdir à Naâma. Ainsi et malgré ces prix bas, les prix des viandes rouges s'affichent toujours élevés. A travers cette zone steppique habitée par les nomades qui ont donné l'image d'un mode de vie adapté à ces régions, le même constat affligeant : une diminution du couvert végétal et un changement de la composition floristique. D'après Dr Nedjimi, la réussite des programmes de développement de l'espace steppique dépend étroitement entre autres de l'élaboration d'une loi pastorale, la participation effective des populations pastorales non seulement dans l'exécution mais surtout dans la conception des programmes de développement, les études d'aménagement intégré des zones à vocation pastorale et agropastorale, la cohérence et la coordination entre les intervenants dans ces espaces ainsi que l'amélioration pastorale par les plantations fourragère et les mises en défens (interdiction du pâturage pour la régénération des parcours). Selon la direction régionale du haut-commissariat au développement de la steppe (HCDS), de nombreux projets ont été initiés et mis en œuvre. Il s'agit des projets de proximité de lutte contre la désertification au profit des communautés rurales en concertation avec l'ensemble des acteurs des quatre communes steppiques de la wilaya de Tlemcen. Selon un agent de la direction régionale de Saïda, contacté par téléphone, il a été procédé à la réhabilitation des centaines d'hectares de parcours dégradés par la plantation pastorale ; la régénération de plusieurs milliers d'hectares de parcours dégradés par le triplex... Arrivera-t-on à freiner l'avancée du désert ? Le haut-commissariat au développement de la steppe prévoit de mettre au niveau de chaque superficie de 1500 ha un point d'eau pour libérer l'éleveur de sa corvée puisque l'on compte actuellement un point d'eau sur environ 20.000 hectares. Cette action s'inscrit dans l'objectif de rapprocher les points d'eau au profit des éleveurs, a-t-on souligné. Concernant la mise en défens des terres, pas moins de 7000 ha sont ciblés par la plantation pastorale. Pour l'électrification par l'énergie solaire, quelque 500 foyers ont bénéficié de cette énergie, en attendant d'alimenter 500 autres foyers par ce système solaire. Rappelons que cet espace steppique qui couvre plus de 20 millions d'hectares à l'échelle nationale, connaît une dégradation importante. Différents programmes de protection et de réhabilitation de cet espace sont en cours. La question éternelle est : arrivera-t-on à freiner l'avancée du désert qui menace le Nord ? Et quelle approche axée sur l'introduction d'une espèce végétale très rustique et dont l'impact écologique pourrait sauver la steppe, et de là stopper le désert aux portes des villes du Nord ?