Photo : Sahel De notre envoyé spécial à Djelfa, Laghouat et Tiaret Ziad Abdelhadi Les effets néfastes de la sécheresse sur la steppe algérienne peuvent-ils être atténués ? L'avenir de cette grande zone pastorale est-il compromis ? Comment parvenir à y conserver une activité pastorale ? Autant de question auxquelles il faudra vite trouver des réponses. De prime abord, il utile de rappeler que notre steppe est une grande zone aride s'étalant sur plus de 15 millions d'hectares et où l'irrégularité et la faiblesse des pluies augmentent au fur et à mesure que l'on se dirige vers le sud. Par ailleurs, des études récentes ont démontré que cette région du pays est sujette à une lente altération du climat, rendant ainsi la sécheresse endémique. Des experts de la steppe avancent que le niveau d'aridité risque d'augmenter non par le seul effet d'un climat défavorable mais aussi par le phénomène de la suractivité pastorale. En effet, l'élevage ovin pratiqué dans cette zone à très faible couverture végétale où ne peuvent paître que le mouton, la chèvre et le chameau, est depuis plusieurs décennies en constante progression. Selon le dernier RGA (Recensement général de l'agriculture effectué en 2003) on estime à 10 000 moutons déclarés sur la steppe sur un effectif total avoisinant les 20 millions. «De par ce nombre important de moutons, les risques de désertification totale sont plus grands», est–il souligné dans un rapport du Haut Commissariat au développement de la steppe (HCDS) dont le siège est à Djelfa. Des agronomes rencontrés lors de nos différentes visites au HCDS, longtemps en contact avec cet environnement, et s'étant penchés longuement sur la question du devenir pastoral de cette zone steppique, ont avancé que «cette tendance à la désertification est à la fois naturelle ou induite». En clair, «les causes naturelles sont dues essentiellement à l'évolution des facteurs climatiques de plus en plus défavorables tandis que d'autres sont induites du fait de la pression de l'homme et de l'ovin sur le milieu naturel», ont expliqué nos interlocuteurs. D'autres aléas sont perceptibles sur le terrain. Par exemple, l'accroissement des terres labourées et, en tant que terres individualisées, elles ne peuvent être traversées et encore moins broutées par les troupeaux. Dans les années pluvieuses, les terres labourées dépassent 1,5 million d'hectares. On apprendra par ailleurs que cette désertification prend d'année en année une plus grande ampleur du fait qu'on a omis de tenir compte des véritables capacités de pacage des parcours de transhumance. Il faut rappeler également qu'à partir des années soixante-dix, et par décision de la tutelle (ministère de l'Agriculture), il avait été décidé d'introduire de l'orge comme aliment d'appoint de substitution au manque de fourrage dans les zones de parcours. Une démarche qui avait pour but de diminuer la pression sur les pâturages et qui, au final, avait donné des résultats tangibles. Le sauvetage du cheptel ovin a été réussi malgré des conditions climatiques souvent défavorables et l'état de dégradation avancée des parcours. Pour stopper un tant soit peu la désertification et améliorer les conditions d'élevage en zone steppique, beaucoup d'initiatives ont été entreprises dans ce sens mais en vain. «C'est dire qu'on a souvent assimilé, en haut lieu, le mouton et la steppe. En d'autres termes, on a fait de l'élevage ovin et de l'aménagement de la steppe un seul et même problème» soulignent des cadres du HCDS. Pour ces derniers, la cause essentielle de la désertification est décelée. Des parcours sans maîtres et des effectifs d'ovins en surnombre dont les propriétaires sont en partie d'authentiques éleveurs et, le reste, des spéculateurs avérés. Devant ce constat, on a cherché à trouver une solution pour satisfaire, d'une part, les besoins en pâturage des effectifs présents dans la zone steppique et, d'autre part, préserver l'écosystème. Les expériences menées sur le terrain jusqu'à présent et qui ont consisté en la régénération des parcours par la mise en défens de superficies isolées ont donné des résultats tangibles dans la mesure où les zones mises en défens sont occupées par des végétations relativement denses très profitables aux animaux. Une pratique qui, malheureusement, ne peut être généralisée sur les milliers d'hectares dégradés. Il faut préciser aussi qu'en cette année de sécheresse, des parcours mis en défens ont été ouverts au pâturage sans pour autant que ceux-ci soient arrivés à terme, c'est-à-dire connaître un début de régénération. Aussi bien les autorités locales qui ont permis une telle intrusion -selon le DSA de la wilaya de Tiaret, considérée comme zone de transhumance par excellence, près de 96 000 ha de terres mises en défens ont été ouverts aux éleveurs à raison de 1 000 DA/ha, pour répondre à l'urgence-, que les éleveurs qui l'ont décidé d'eux-mêmes, avancent que ces actes se justifient par le manque criant de pacage indispensable à la survie des troupeaux. De la sorte, la steppe se heurte à une pression de plus en plus grande du fait d'un surpâturage sans limite. Un état de fait qui n'est pas sans poser la question suivante : Pour éviter une très forte dégradation des parcours ne faudrait-il pas envisager de réduire les effectifs du cheptel ovin, car dit-on, il n'y pas d'avenir pour les éleveurs eux-mêmes en maintenant cette surcharge ? Difficile de faire admettre une telle perspective à nos éleveurs d'ovins. Seule peut-être une politique de concertation permanente entre les populations concernées et les pouvoirs publics pourraient mener à concrétiser une telle approche. Z. A. Précisions du responsable de la santé animale de la wilaya de Djelfa Selon M. Yacine, les quantités d'orge livrées en début d'année étaient destinées uniquement à alimenter les brebis des éleveurs en période hivernale à raison de 400 g/jour et par tête au prix 1 500 DA/kg. «Cette ration alimentaire permet d'entretenir la brebis. Malheureusement, nos éleveurs faute de trouver sur le marché les quantités d'orge indispensables, n'ont pas appliqué à la lettre le dispositif de rationnement mis en place par nos services», a souligné ce responsable. Quant à la question de l'abattage de brebis malgré un arrêté interministériel qui l'interdit (arrêté 91/254), M. Yacine a indiqué qu'effectivement on assiste à la non-application de cet arrêté. Et pourtant, le règlement est clair : interdiction d'abattre des brebis en âge de reproduire. L'abattage ne concerne que les agneaux, les agnelles et les antenaises. Cette transgression peut s'expliquer par le fait que la brebis sur pied est vendue à bas prix.