Quelques heures seulement après les menaces du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, de « supprimer » le réseau de micro-blogging, l'autorité gouvernementale des télécommunications (TIB) est passée à l'acte. Sous l'argument de « décisions de justice », elle a « bloqué techniquement l'accès à Twitter ». Adversaire résolu des réseaux sociaux au nom de la « protection » de la jeunesse, le Premier ministre avait annoncé, devant des milliers de partisans, « éradiquer Twitter ». « Je me moque de ce que pourra dire la communauté internationale », avait-t-il lancé, jeudi dernier, soutenant que « la liberté n'autorise pas l'intrusion dans la vie privée de qui que ce soit ou l'espionnage des secrets d'Etat ». Pour les Turcs, cette interdiction est une riposte à la diffusion quotidienne sur le Net, depuis plus de trois semaines, d'extraits de conversations téléphoniques piratées de M. Erdogan le mettant en cause dans un vaste scandale de corruption. Hier, l'accès au réseau, qui compte plus de 10 millions d'abonnés en Turquie, était impossible sur une partie des téléphones portables. La décision des autorités a été rapidement contournée par les internautes qui ont pu accéder au réseau via d'autres serveurs. De nombreux quotidiens turcs se sont indignés, hier, de ce blocage. Zaman, a titré : « Grand coup porté à la liberté : Twitter est fermé ». Cumhuriyet n'a pas hésité à placer la Turquie « au rang des pays comme la Corée du Nord ». L'opposition s'est, elle aussi, déchaînée contre le Premier ministre, y voyant la confirmation de la dérive du régime islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002. « Le dictateur a fait un pas dangereux, la Turquie ne peut plus être classée parmi les pays où règne la démocratie », a déclaré un porte-parole du principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple, Haluk Koç Akif Hamzacebi. Manifestement gêné, le vice-Premier ministre en charge de l'Economie, Ali Babacan, présenté comme un modéré, a prié pour que l'interdiction ne « durera pas très longtemps ». Le président Abdullah Gül, un compagnon de route de M. Erdogan qui a pris ses distances avec ce dernier, est allé plus loin dans sa critique. « On ne peut pas approuver le blocage total des réseaux sociaux. J'espère que cette situation ne durera pas longtemps », a écrit le chef de l'Etat sur son compte Twitter. Les Européens jugent « choquant » ce blocage contraire aux libertés d'expression et de communication qui sont des principes fondamentaux.