Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, désormais contesté essuie les contrecoups d'une politique musclée Qualifiant la conversation téléphonique qui lui est attribuée de «montage indécent», Erdogan a martelé «jamais nous ne cèderons (...) seul le peuple peut décider de nous renvoyer, et personne d'autre», sous les ovations de ses partisans. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a vigoureusement riposté hier à la diffusion d'une conversation téléphonique compromettante qui l'a placé au coeur du scandale de corruption qui éclabousse son régime, dénonçant une «attaque haineuse». Diffusé lundi soir sur Internet, cet enregistrement, dont l'authenticité n'a pas été confirmée de source indépendante, a pour la première fois personnellement mis en cause M. Erdogan, précipitant les appels de l'opposition à sa démission. Profitant de sa harangue hebdomadaire devant les députés de son parti de la justice et du développement (AKP), le chef du gouvernement a qualifié cette conversation de «montage indécent» et d «attaque haineuse». «Jamais nous ne cèderons (...) seul le peuple peut décider de nous renvoyer, et personne d'autre», a-t-il martelé sous les ovations de ses partisans en renvoyant ses accusateurs et les critiques aux élections municipales du 30 mars prochain. Dès lundi soir, le cabinet du Premier ministre avait catégoriquement démenti l'existence de la conversation en cause, évoquant déjà un «montage immoral». Sans surprise, M. Erdogan a une nouvelle fois accusé hier la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen, qui fut longtemps son allié, d'avoir orchestré cette nouvelle attaque en «mettant en scène une pièce (de théâtre) immorale». «Il n'existe aucune allégation à laquelle nous ne pouvons répondre», a-t-il poursuivi en promettant de poursuivre en justice ses auteurs. Depuis des semaines, le Premier ministre accuse l'organisation de M. Gülen, très influente dans la police et la justice, d'instrumentaliser les enquêtes anticorruption en cours dans le cadre d'un complot visant à la déstabiliser avant les municipales et la présidentielle prévue en août 2014. Dans l'enregistrement daté du 17 décembre diffusé lundi soir, un homme présenté comme le Premier ministre conseille à un autre, décrit comme son fils aîné Bilal, déjà entendu comme témoin par les procureurs en charge de l'enquête anticorruption, de se débarrasser d'environ 30 millions d'euros, quelques heures seulement après un coup de filet de la police visant des dizaines de proches du régime. «Fils, ce que je veux te dire, c'est de faire sortir tout ce que tu as chez toi, d'accord?», dit la voix présentée comme celle de M. Erdogan. «Qu'est-ce que je peux avoir chez moi? Il n'y que l'argent qui t'appartient», lui répond son interlocuteur. Sitôt diffusée, cette écoute téléphonique, énième d'une série qui décrivait jusque-là les pressions directes de M. Erdogan auprès des médias, a enflammé les réseaux sociaux et l'opposition, qui dénonce depuis des semaines la corruption du régime islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002. «Le gouvernement doit immédiatement démissionner, il a perdu toute légitimité», a lancé devant la presse Haluk Koç, vice-président de la principale force d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), «la Turquie ne peut pas continuer sur cette voie». Le chef du Parti de l'action nationaliste (MHP) Devlet Bahçeli lui a emboîté le pas en annonçant que «la fin absolue et certaine pour M.Erdogan est toute proche». «La justice doit immédiatement lancer une enquête», a-t-il insisté. Coïncidence ou pas, la publication de ces enregistrements est intervenue quelques heures après les révélations de deux journaux proches du régime accusant des magistrats proches de la confrérie de Fethullah Gülen d'avoir mis sur écoute des milliers de personnes, dont M. Erdogan. Pour reprendre en main la situation, le Parti de la justice et du développement (AKP) de M.Erdogan, fortement majoritaire à l'assemblée, a mené des purges sans précédent dans la police et la justice et fait voter des lois controversées qui durcissent le contrôle de l'Internet et renforcent l'emprise du pouvoir sur la justice. Un autre texte contesté a été déposé pour élargir les pouvoirs de l'agence turque de renseignement (MIT), dirigée par son homme de confiance Hakan Fidan. Il devrait être voté d'ici la fin de la semaine.