La militante sahraouie, Mme Aminatou Haidar , qui a été longuement écoutée la semaine dernière par le Parlement européen, a été, lundi dernier, l'hôte du Congrès américain. Devant des députés démocrates et républicains, membres des commissions des droits de l'Homme et des relations extérieures, la présidente du Collectif des défenseurs sahraouis des droits humains est intervenue sur le thème « Justice pour la dernière colonie de l'Afrique : la lutte pour les droits de l'Homme et l'autodétermination au Sahara occidental ». La militante sahraouie a expliqué, pendant près d'une heure, dans le cadre de la « Conférence émir Abdelkader » que tient périodiquement Defense Forum Foundation, une fondation enregistrée au Congrès et réputée pour les forums qu'elle organise pour le compte de l'institution parlementaire américaine pour promouvoir la liberté et les droits de l'Homme à l'étranger, la genèse de l'affaire de la dernière colonie en Afrique et décrit la politique de répression brutale et sanglante menée par le Maroc à travers les arrestations arbitraires, les bastonnades, les actes de torture, les viols, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées. « Ceci même après la création, au Maroc, du Conseil national des droits de l'Homme, qui est censé agir pour prémunir la société marocaine et sahraouie contre les violations des droits de l'Homme, les appels au respect de ces droits formulés dans les rapports du département d'Etat américain et des ONG internationales des droits de l'Homme », dit-elle, insistant sur le peu de considération que réserve Rabat aux résolutions du Conseil de sécurité et aux rapports du secrétaire général de l'ONU appelant au respect des droits de l'Homme des Sahraouis. Selon Mme Haidar, la création d'un mécanisme de surveillance des droits de l'Homme au Sahara occidental est incontournable. « Cette exigence est devenue une revendication unanime des ONG internationales des droits de l'Homme », dit-elle, déplorant le « jeu » de « certaines grandes puissances membres du Conseil de sécurité qui s'opposent à la volonté de la communauté internationale qui réclame la mise en place d'un tel mécanisme ». « Ce qui fut le cas en avril 2013 lorsque certaines puissances ont refusé d'appuyer, au Conseil de sécurité, le projet de résolution présenté par les Etats-Unis pour l'élargissement du mandat de la Minurso au volet de la surveillance des droits de l'Homme au Sahara occidental occupé », rappelle-t-elle. Conséquence ? « Le Maroc continue toujours de violer ces droits. » « Même si, à défaut de résolution, le Conseil de sécurité a lancé en avril 2013 un appel au Royaume pour qu'il améliore la situation des droits de l'Homme des Sahraouis et mette en place des mesures indépendantes et crédibles garantissant le plein respect de ces droits », dit-elle. Droits de l'homme et autodétermination « Rien que durant la période allant du 25 avril 2013, date de l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité, au 18 mars 2014, la répression des manifestations pacifiques a touché 912 personnes (458 femmes, 399 hommes, 28 enfants et 27 handicapés) », précise-t-elle. « Durant cette période, nous avons recensé 52 enlèvements, des agressions des défenseurs sahraouis des droits de l'Homme et des blogueurs, le saccage de 197 maisons et des poursuites judiciaires contre 108 prisonniers politiques sahraouis », ajoute-t-elle. Outre les droits de l'Homme, la présidente du CODESA a évoqué la question fondamentale de l'autodétermination. « Le Maroc, avec l'appui de certaines puissances mondiales, dont la France, refuse toujours de se conformer à la légalité internationale, laquelle donne, pourtant, le droit au peuple sahraoui de jouir de son droit à l'autodétermination », rappelle-t-elle. Selon Mme Haidar, « la précarité des conditions de vie et la situation alarmante des droits de l'Homme dans les territoires occupés vont nourrir l'émergence, chez les civils sahraouis, d'un sentiment non seulement de perte de confiance mais aussi de désespoir pouvant être, à l'avenir, un catalyseur d'une riposte violente de leur part pouvant déstabiliser la paix dans le Nord-Ouest africain ». Le Congrès, qui définit en partie la politique étrangère des Etats-Unis, va-t-il, après l'intervention de la militante sahraouie, se préoccuper davantage de la situation des droits de l'Homme des Sahraouis, du problème de l'exploitation illégale des richesses minières et halieutiques, demander au Département d'Etat d'œuvrer à l'ONU pour l'introduction de la surveillance des droits de l'Homme au sein de la Minurso et la recherche d'une solution garantissant le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination ? La militante sahraouie interviendra, jeudi prochain, à la représentation de l'Union africaine à Washington. Elle animera des discussions avec Kerry Kennedy, la présidente de l'ONG américaine Robert F. Kennedy pour la justice et les droits de l'Homme (RF Kennedy Center), et Amina Salum Ali, l'ambassadrice de l'UA. Elle se rendra la semaine prochaine à New York pour rencontrer de hauts représentants de l'ONU, et ce, à l'approche de la réunion du Conseil de sécurité consacrée au Sahara occidental prévue en avril prochain.