Il serait fastidieux d'établir la liste des livres dont le désert constitue le décor et ses sortilèges, l'ingrédient de maintes aventures. Certains, à l'instar de « L'Atlantide » de Pierre Benoit sont des classiques. Le Sahara fascine et continue d'être une inépuisable source d'inspiration. Préfaçant l'édition de ce roman paru chez l'Enag en 1988, Tahar Djaout, amoureux de cette nature minérale et tourmentée, écrivit que « L'Atlantide a tout pour séduire le lecteur moyen et pressé que la difficulté et l'originalité désorientent ou rebutent. Il y a une histoire à consommer avec son savant dosage d'exotisme, declichés reposants ». Le Sahara est un terrain où les amateurs d'aventures et de sensations n'ont de cesse d'y tisser des histoires. On peut aussi relire la Guadeloupéenne Maryse Condé dont le roman « Ségou », où elle relate l'histoire d'une famille sur plusieurs générations, combine l'attrait de la fiction et l'utilité de la connaissance historique. Tombouctou enserrée de dunes et d'autres villes du Mali s'y révèlent dans toute leur splendeur. Paradoxalement, il est difficile de citer, du moinspour l'Algérie, le nom d'un romancier du M'zab ou du Touat. L'un des écrivains les plus connus, qui a su exprimer l'âme des Touareg, reste Brahim Kouini, un Libyen dont seuls quelques romans ont été traduits en français. Dans notre pays, pourtant, deux des auteurs les plus médiatisés de ces dernières années, Yasmina Khadra et Malika Mokaddem, sont des natifs de la petite ville de Kenadsa. La seconde s'est fait connaître en 1991 avec « Les hommes qui marchent », récit qui s'inspire de la saga de sa famille qui a rompu avec le nomadisme pour s'établir en ville. On trouve chez l'un et l'autre, attachés aux paysages et aux populations du Sud, des réminiscences de la vie dans ces contrées désertiques. Le Sahara est un territoire qui a aussi passionné des chercheurs. La richesse culturelle en matière d'architecture, de littérature orale, de musique, est inouïe. Certains sont très connus à l'instar de Malika Hachid sur la trace depuis des années des origines du peuplement primitif dans la région du Tassili N'ajjer ou de Rachid Bellil qui reste l'un des meilleurs connaisseurs du Gourara. Nadir Marouf, Youcef Nacib se sont penchés sur des systèmes d'organisation sociale. On ne peut surtout omettre l'immense apport d'un Mouloud Mammeri dont les travaux sur l'Ahellil, un genre poétique et musical de la région de Timimoune, ont conduit à son inscription au patrimoine de l'humanité. L'Algérie, qui a créé des Parcs nationaux dans le Sud, a entrepris, depuis quelques années, sous la houlette de Badi Dida, le recensement du patrimoine immatériel qui fait l'originalité de la région. L'imaginaire des créateurs titillé Le Sahara est un territoire où l'homme fait face d'abord à lui-même. C'est le cas de Mourad, le héros désabusé de « La traversée » de Mouloud Mammeri. Djaout a également écrit de belles pages sur le désert dans son roman le mieux construit, « L'invention du désert », avec le souci d'éviter le viol symbolique de la culture immémoriale des Touareg. Boudjedra, avec « Timimoun », confronte son héros, un ex-militaire reconverti en guide, avec ses démons intérieurs et ceux du pays alors en flammes. C'est un autre désert, celui d'Arabie, qui lui a servi aussi pour l'écriture des « Mille et une années de la nostalgie ». C'est une référence directe à un ksar de la région d'Adrar, Tamentit, qu'a choisi Amine Zaoui dans son dernier roman. « Le dernier juif de Tamentit » est une plongée dans l'histoire tumultueuse de la région, à la croisée des routes des caravanes et une interrogation sur des problèmes d'une brûlante actualité. Azzedine Mihoubi dans « Confession d'Assekrem » a choisi un hôtel de la ville de Tam pour faire évoluer les personnages de son roman d'anticipation. A l'ère des guerres et des tourments, le Sahara continue d'alimenter l'imaginaire des créateurs. Bien des livres ou des films qui abordent la question des harragas comme chez Bendjelloun ou Sansal, ont trouvé sans peine le décor et les personnages. Qui a parlé de désert à propos de territoires où même les pires tragédies alimentent toujours la fabrique des rêves ?