La plus grande démocratie dans le monde donne le coup d'envoi des législatives décisives qui mobilisent, à partir d'aujourd'hui, dans un marathon électoral en 9 phases, un électorat de 814 millions de voix, particulièrement jeune (la moitie de la population âgée de moins de 25 ans) et en augmentation sensible (100 millions de plus qu'un en 2009). La compétition qui prendra fin le 12 mai prochain, destinée à élire les députés de la Chambre basse, s'annonce ardue entre la famille Gandhi (aucun lien avec Mahatma Gandhi) au pouvoir depuis 10 ans et ses concurrents qui entament le dernier virage. Affaibli par les scandales de corruption et le marasme économique, caractérisé par le ralentissement de la croissance (en baisse de 9% à 5%) et la montée de l'inflation (plus de 8%), l'héritier de la plus célèbre famille politique indienne et arrière petit-fils de Nehru, Rahul Gandhi, se rendra à New Delhi et dans l'Etat voisin de l'Haryana pour tenter de renverser la tendance qui donne perdant « le seul parti qui ait une résonnance dans tous les coins et recoins de l'Inde », selon le porte-parole du Parti du Congrès (206 députés sur 545), Abhishek Manu Singhvi. C'est en favori que le candidat du parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (117 députés), Narendra Modi, présenté en antithèse dans cette élection des « deux idées de l'Inde », sillonne l'Etat de l'Uttar Pradesh pour défendre son programme de relance de l'économie, de l'investissement et de l'emploi. Un écueil : la passivité de Modi, en sa qualité de chef de l'exécutif de l'Etat du Gujarat, dans le drame confessionnel qui a fait, en 2002, plus de 1 000 morts (essentiellement des musulmans représentant 13% de la population). Le rôle de son homme de confiance, Amit Shah, incitant les électeurs à la vengeance dans un discours tenu dans la région de Pradesh, est dénoncé par le Parti du Congès qui a demandé son arrestation. Dans ces législatives de tous les enjeux, l'Inde, qui doit se doter d'un nouveau parlement, au soir du 16 mai, est confronté à un choix cornélien qui prend la forme de « l'hindouisation de l'Etat » prêtée au fondamentaliste Modi aux antipodes de l'Inde séculaire. Mais pour tous ceux qui s'inquiètent de l'avènement d'une « démocratie ethnique, comme Israël », des garde-fous permettent de sauver le compromis de la dérive confessionnelle et communautaire : depuis 1989, aucune formation n'a réussi à remporter les 272 sièges qui lui donnent la majorité absolue au parlement.