Le scénario du pire est sérieusement appréhendé. Au lendemain de l'opération « antiterroriste », lancée par Kiev pour déloger les insurgés des bâtiments officiels, dans l'Est du pays, un ultimatum a été fixé jusqu'à hier soir à 6h GMT, par le président ukrainien par intérim, Olexandre Tourtchinov, proposant une amnistie en contrepartie de la reddition. Sur sa page Facebook, le ministre de l'Intérieur, Arsen Avakov, a évoqué la formation des unités « sur la base des formations civiles » de 12.000 personnes. Le temps des milices, encadrées et soutenues par Kiev, prépare l'assaut final promis par le gouverneur de la région de Donetsk, Sergueï Tarouta, qui a annoncé qu'« une opération antiterroriste incluant des unités militaires » est en cours. Sur le terrain, la ville rebelle de Slaviansk, toujours aux mains des insurgés, s'organise : des barrages érigés le long des 140 km de Slaviansk à Donetsk, des points de contrôle à l'entrée et dans la ville assiégée. Le leitmotiv : un référendum, prônant le rattachement à la Russie ou, au minimum, un fédéralisme. Il s'agit du point nodal de la crise. Même la proposition d'un « référendum national », émise par le président ukrainien par intérim, n'a aucune chance de voir le jour. Elle est rejetée par les insurgés qui revendiquent a contrario des scrutins locaux. L'impasse prend des proportions inquiétantes dans le contexte de la nouvelle guerre froide que se livrent l'Occident, criant à la déstabilisation russe, et Moscou dénonçant, à la fois, « la guerre contre son peuple » menée par Kiev et « l'hypocrisie » occidentale. « On peut se souvenir que la violence sur le Maïdan (la place de Kiev, épicentre de la contestation pro-européenne), qui s'est soldée par des dizaines et des dizaines de morts, était qualifiée de démocratie, alors qu'on parle de terrorisme à propos des manifestations pacifiques qui ont lieu maintenant dans le sud-est », a déclaré le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov. Au moment où les bruits de bottes se font entendre en Ukraine, Moscou, exigeant des explications « convaincantes » des Etats-Unis sur la visite à Kiev du chef de la CIA, John Brennan, a mis l'accent sur la responsabilité des Occidentaux pour éviter une guerre civile. Les signaux sont au rouge. Face au dialogue de sourds qui a caractérisé la réunion d'urgence du Conseil de sécurité, convoquée à la demande de Moscou, et aux incertitudes des pourparlers entre les Etats-Unis, la Russie et l'Union européenne, prévus ce jeudi à Genève, la poudrière ukrainienne, alimentée par les « nombreux appels » à l'aide des insurgés adressés à Moscou et la volonté de légitimation par Kiev de l'offensive militaire, portant l'étendard de l'ONU, peut à tout moment exploser.