Les présents à la journée d'étude sur les violences à l'égard des femmes et le harcèlement sexuel, organisée à Béjaia, ont eu la primeur d'une enquête réalisée par la Forem sur le sujet, présentée par le Dr Khiati qui précise, d'emblée, que cette enquête est une première en Algérie. Menée en milieu professionnel (600 travailleuses sur 5 wilayas) et universitaire (3.207 étudiantes sur 15 wilayas, dont 2.886 Algériennes et 341 étrangères), cette enquête a été réalisée au premier trimestre 2014 par le biais d'un questionnaire anonyme comportant 15 questions et 20 sous-questions. L'étude a permis de sérier les différentes définitions que s'en font les enquêtées du harcèlement sexuel à travers différentes atteintes verbales et physiques et révèle qu'en milieu professionnel, plus de 66% des femmes interrogées répondent avoir été victimes d'un harcèlement sexuel dont l'auteur est dans 30% des cas le directeur, 20% le chef de bureau et dans 14% le fait d'un agent de sécurité. L'enquête s'attelle aussi à définir les stratégies du harceleur et les endroits où, dans l'entreprise, se produisent ces atteintes. En milieu universitaire, les étudiantes incriminent en premier, l'enseignant (33,4% par les Algériennes et 26,8% par les étrangères) comme auteur de harcèlement, qui peut s'avérer également être un administratif ou un agent de sécurité. Près de 40% des étudiantes algériennes interrogées affirment avoir été victimes de harcèlement sexuel, tandis que les étudiantes étrangères ont répondu par l'affirmative dans 37% des cas. Les atteintes à leur intégrité peuvent prendre l'aspect de simples remarques sur l'apparence, d'invitations, de promesses ou de chantage, etc. qui se produisent, par ordre d'importance, à l'Université, dans les transports, au bureau. Par ailleurs, 60% des étudiantes algériennes et 37% des étudiantes étrangères pensent que les enseignants universitaires agissent dans le sens du harcèlement et le pratiquent. L'étude conclut que le harcèlement s'étend géographiquement et sectoriellement, touchant toutes les catégories de femmes, dénotant ainsi la déliquescence des valeurs traditionnelles, et souligne les limites de la protection que confère l'article 341 bis du code pénal. La conférence « sur le harcèlement moral en milieu professionnel » de Sahraoui Bacha Intissar et Sidous Houria a préféré mettre l'accent sur cet aspect tout aussi inquiétant du phénomène et tente de dresser un profil psychologique de son auteur, relevant qu'il a peu de plaintes pour le harcèlement moral. Pour sa part, Bouroubi Rejah Farida, maître de conférences à l'Université de Tizi Ouzou, a présenté une petite enquête portant sur 40 femmes, menée en avril 2014. Elle relève que le harcèlement sexuel s'est déplacé de la rue dans le lieu de travail et que c'est une violence qui occasionne de fortes difficultés aux femmes victimes, en ce sens qu'elles se sentent obligées de taire ces abus ou de perdre un emploi souvent nécessaire, sans compter les conséquences psychologiques et sur la vie familiale, car ce sujet reste encore un tabou dans la société algérienne. Khaled Abdeslam, maître de conférences à l'Université de Sétif, s'est attaché, pour sa part, à souligner le profond ancrage de la violence à l'égard des femmes dans la culture nationale. Rappelant que la violence est le lot commun de tous, de toutes les catégories sociales et qu'elle s'exerce en tous lieux, qu'elle soit physique ou psychologique, il affirme que la délinquance, s'appuyant sur les statistiques fournies par la Sûreté nationale, se pratique dans 50% au domicile familial. Les époux et les parents sont les auteurs principaux de ces violences qui ont pour cause d'abord des problèmes familiaux ou des buts sexuels. Pour le conférencier, la violence faite aux femmes n'est pas isolable du soubassement culturel violent de notre société et qu'il ne s'agit pas seulement de changer de lois pour obtenir un résultat, mais qu'il est nécessaire de changer les mentalités, ce qui passe par une prise de conscience et un travail de sensibilisation. Les violences sur les enfants ont été également évoquées à travers la conférence de Zohra Boukaoula, psychologue et enseignante chercheure, qui a fait une lecture des données de la Gendarmerie nationale, dont elle dit qu'elles sont loin de refléter la réalité car beaucoup de victimes ne déposent pas plainte, indiquant que ce corps de sécurité, outre sa mission répressive à l'égard des auteurs des délits, apporte également un soutien aux victimes qui psychologiquement perturbées après avoir subi un tel acte. Outre les débats que ces interventions ont suscité, il est attendu, à l'issue des travaux de cette journée, la rédaction de recommandations pour sensibiliser les citoyens à cette problématique et réprimer pénalement ce phénomène.