Le ministère de la Communication organise, aujourd'hui, au palais de la culture Moufdi-Zakaria, une conférence sur le journalisme d'investigation. Cette rencontre s'inscrit dans la série de conférences prévue dans le cadre du cycle de formation, initié par le ministère de la Communication. La conférence sera animée par le journaliste et écrivain, Pierre Péan, qui présentera son expérience et ses connaissances concernant le journalisme d'investigation. A ce sujet, Habiba Ghrib, journaliste au quotidien arabophone Echaâb, dira que le journalisme d'investigation exige des moyens financiers, mais aussi un certain degré de professionnalisme. « Ce qu'on présente actuellement comme articles de presse ou enquêtes d'investigation est loin des normes et des règles du journalisme d'investigation. Dans certains cas, l'enquête est carrément orientée dès le départ », estime-t-elle, ajoutant que rares sont les éditeurs qui mettent le paquet sur des enquêtes de taille. « On a tendance à confondre entre la petite enquête et le travail d'investigation journalistique », soutient-elle. La journaliste tempère, toutefois, ses propos, en se demandant si à l'ère de l'information rapide et insolite, le lecteur est prêt à lire des sujets d'investigation et à s'y intéresser. Même avis du journaliste au quotidien El Watan, Fayçal Metaoui, pour qui, le manque de moyens et de courage, l'absence de sources fiables, les risques de manipulation, la faiblesse de la protection juridique et l'environnement hostile ne concourent pas à encourager le journalisme d'investigation. A cela s'ajoute, selon lui, le manque de formation des journalistes et la non-maîtrise des questions de déontologie. Le journaliste évoque également une société qui refuse d'admettre ce genre de travail d'enquête. « Souvent, il est reproché au journaliste de se mêler de ce qui ne le regarde pas, je le dis par expérience et en connaissance de cause », atteste-t-il. De son côté, la journaliste-reporter de la Chaîne III de la Radio nationale, Hafida Hamouche, constate « un soupçon de journalisme d'investigation en Algérie ». Toutefois, cette velléité fait face à des garde-fous. « Les journalistes ne peuvent pas aller jusqu'au bout de leurs investigations parce que l'environnement ne le permet pas. Les journalistes du secteur privé sont soumis à des contraintes liées aux intérêts des propriétaires des journaux ou des chaînes de télévision privées. Quant au secteur public, on a des contraintes parce qu'il s'agit de l'intérêt général », note-t-elle. Le journalisme d'investigation est également menacé par l'évolution de l'internet et l'apparition des chaînes TV privées, selon le rédacteur en chef du journal Liberté, Salim Tamani. Reste que cette forme de journalisme est tributaire d'une formation de qualité. « Les jeunes journalistes ne savent pas écrire correctement dans les deux langues », souligne-t-il. Justement, le professeur à l'Institut des sciences de l'information (Alger), Redouane Boudjemaâ, plaide pour des formations spécialisées et continues des journalistes. Il souligne que les entreprises de presse ne font pas souvent la différence entre l'exercice journalistique de l'information et la publicité. « Les lecteurs et les téléspectateurs algériens sont privés d'enquêtes sur les entreprises économiques, qui donnent de la publicité aux éditeurs », observe-t-il. Pour Othmane Lahiani, lauréat du Prix arabe du journalisme d'investigation à Dubaï, en 2013, et responsable à la chaîne de télévision KBC, cette situation est due essentiellement au manque de stratégie de la part des chefs d'entreprise de presse en matière de spécialisation de la corporation. « Cette forme de journalisme demande des moyens financiers pour les déplacements et l'hébergement. En outre, les journaux ne veulent pas réserver un espace de deux pages pour une enquête », résume-t-il