Abdelwahab Bakli, ex-ministre du Tourisme et de l'Artisanat et ancien député, évoque, dans cet entretien, le quotidien dans la capitale du M'zab durant ce mois sacré. Il dira que les Ghardaouis sacralisent le Ramadhan et en font une occasion pour renforcer davantage les liens familiaux et de solidarité. La vie continue à Ghardaïa malgré les événements tragiques qui ont secoué la région, fera-t-il savoir. Comment Ghardaïa vit le mois sacré ? Nous vivons le Ramadhan comme tout le monde, d'une manière simple et modeste. Notre région se distingue sur le plan spirituel par la lecture du Coran qui se fait de façon complète et rigoureuse. Les Ghardaouis le font même après les horaires des prières, au niveau des mosquées. Le but étant d'achever la lecture avant l'adhan d'El Maghreb. Suite à cela, place à la distribution des sadakates aux nécessiteux. Une fois le jeûne rompu, ils accomplissent les prières surérogatoires dans l'harmonie et la fraternité. Après les Tarawih, les gens se rencontrent autour d'un verre de thé et de sucreries. Comme les nuits sont courtes, ils veillent généralement jusqu'au s'hour. A ce moment-là, ils profitent pour déguster ensemble du mesfouf, suivi habituellement d'un café bien chaud, et ce, avant d'accomplir la prière d'el fedjr et rejoindre de nouveau leurs demeures. Les gens qui travaillent préfèrent vaquer à leurs tâches le matin très tôt, pour profiter de la fraîcheur matinale, et se libérer aux environs de 10h. Ils rentrent chez eux pour faire une petite sieste et retrouver les mosquées à l'adhan d'el asr. Les femmes ont aussi leurs habitudes. Le soir, elles se réunissent jusqu'à des heures tardives de la nuit. Quels sont les plats qui distinguent la région ? La chorba est un plat sacré pour tout le monde. Elle est préparée généralement avec du vermicelle, du mermez ou du frik. Un petit plat est préparé également pour le s'hour. Rien d'extraordinaire. Les coutumes algériennes se ressemblent toutes. Le dixième jour de ce mois, les Ghardaouis préparent lemaârek et el marlouka, entre autres mets consistants. Pour les enfants qui jeûnent pour la première fois, des jus bien sucrés assaisonnés de fleur d'oranger sont confectionnés en plus du kaâbouch qui est un mélange de mesfouf et de dattes. Pour ce qui est de la solidarité, je dois dire qu'elle est courante au sein des familles algériennes. Il y a aussi la distribution des denrées alimentaires qui se fait chaque mois sacré par les autorités locales au profit des familles pauvres. Les personnes riches payent des bouchers pour offrir de la viande chaque matin aux nécessiteux. Ce qui est appelée chez nous laâchira. À l'approche de l'Aïd, des trousseaux d'habits neufs sont préparés pour les familles nécessiteuses. Sans omettre l'apport de la zakat qui est aussi très important dans notre région. Dans chaque quartier, les gens se connaissent et s'entraident. Dieu merci, la solidarité est quotidienne, régulière et agissante. Ghardaïa a été secouée par des événements tragiques tout au long de l'année. Comment vit-elle actuellement le mois sacré ? Ce n'est pas la seule région du pays qui a connu ce genre d'événements. Les gens font avec. En entendant ce qui se dit, on croirait que tout brûle. De petits incidents éclatent de temps à autre dans quelques coins de la région hélas, mais la vie continue. Des actions sont entamées au profit des familles qui sont touchées par ces accidents dramatiques. La société et les autorités leur viennent en aide en vue d'atténuer leur peine. La douleur est là, mais cela ne nous empêche pas de continuer à vivre normalement. J'estime que l'Algérien est de nature à sacraliser le Ramadhan un peu plus qu'il le faut. Ce qui constitue malgré tout un bon signe. Pourvu que cela dure. Il faut vivre ce mois avec toutes ses valeurs spirituelles et sa solidarité agissante en pratiquant un Islam de tolérance. Il ne faut pas faire du spectacle durant ce mois sacré. Il ne faut surtout pas passer au sacrilège le lendemain de l'Aïd.