Signal «Trois coups de canon et un drapeau blanc se hissant sur le minaret de la mosquée pour annoncer la rupture du jeûne.» «Nous fredonnions un refrain à ce moment-là : "Adhan, adhan ya cheikh qbal ma yeden el medfaâ, houwa yamel boum boum, wana namel ham ham".» Khalti Z?hor reprend, nostalgique : «Je me rendais d?abord au marché pour faire les courses. J?avais à peine neuf ans. Il faut dire qu?autrefois, nous achetions des produits frais. Juste ce qu?il faut pour la journée.» Pour les anciens, précise-t-elle, «le ramadan était une occasion pour manger bien et préparer des mets copieux, mais sans pour autant gaspiller. Car chaque sou avait sa valeur. Il y avait de tout sur les étals des marchés, mais on ne gagnait pas assez». Elle résume l?état d?esprit qui régnait autrefois au sein de la société : «El baraka f?laqlil (le peu suffit).» «Ce dicton était la devise d?une population colonisée, mais profondément croyante.» Plus tard, «lorsque j?ai fondé mon propre foyer, je me levais tôt pour préparer à manger pour mes enfants qui ne jeûnaient pas et faire mon ménage. Je pétrissais, d?abord, mon pain (khobz el coucha) et je l?envoyais chez le boulanger. A midi, il fallait terminer son ménage comme à l?accoutumée. A ce moment-là, je réunissais mes enfants pour déjeuner. Pour le ménage, el-dala (le tour de rôle) était de mise et ce que ce soit pendant le ramadan ou non. Chaque jour, une des locataires s?occupait des espaces communs, mais par esprit de solidarité, chacune donnait un coup de main. Après le dhour (2e prière de la journée), je commençais à préparer le ftour (dîner). Quand je n?avais pas beaucoup de ménage à faire, je mettais mes poivrons à cuire sur la braise le matin, sinon je le faisais en même temps que je préparais ma chorba. Sur un autre nafekh, je mettais à cuire mon plat de résistance, en même temps je préparais mes salades et certaines gâteries pour le dessert ou la soirée. A l?époque, malgré les contraintes et le peu de moyens, tout était disponible, les produits étaient frais et sains. Les prix étaient les mêmes. Le mois sacré n?était pas prétexte pour faire flamber les prix. Tout le monde trouvait son compte, chacun selon sa bourse. Puis la solidarité entre les uns et les autres faisait que même les plus démunis ne manquaient de rien. Il existait, autrefois, des associations de bienfaisance, Dar El Khaïriya, à la rue des Abderram dans La Casbah d?Alger, où on accueillait les dons des bienfaiteurs et préparait le déjeuner et le s?hour (dernier repas) pour les nécessiteux, les gens de passage et ceux qui travaillaient loin de chez eux. Cela n?empêchait pas les gens de recevoir chez eux. Une autre particularité qui a disparu avec le temps : les familles s?invitaient à déjeuner pendant ce mois sacré. Arrivé le moment de rompre le jeûne, on entendait les trois coups de canon et les enfants qui chantaient à haute voix : ?Adhan, adhan ya cheikh qbal ma yeden el medfaâ, houwa yamel boum boum, wana namel ham ham?. A cette époque, c?était la colonisation, on n?entendait pas l?appel à la prière. Lorsqu?on apercevait le drapeau blanc au-dessus du minaret, les hommes se dirigeaient vers les mosquées».