La Palestine a fait acte de souveraineté. Elle a décidé de saisir la Cour pénale internationale des « crimes de guerre » israéliens à Ghaza, une première dans les annales du conflit israélo-palestinien. Salim Al-Saqa, le ministre de la Justice de Palestine, qui a son siège à Ramallah (Cisjordanie), et Ismaiïl Jabr, le procureur général de la Cour de Ghaza, ont déposé, vendredi dernier, une plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) pour les crimes de guerre commis par l'armée israélienne dans les Territoires palestiniens occupés, dans le contexte de l'opération militaire appelée « Bordure protectrice », qui a déjà fait près de 1.000 morts, dont 80% de civils, et 6.000 blessés. Cette plainte d'une quarantaine de pages vise huit infractions (homicide involontaire, attaques portées contre des civils, attaques causant incidemment des pertes en vies humaines, des blessures et des dommages excessifs, destruction et appropriation de biens, crime de colonisation, crime d'apartheid, violation des règles du procès équitable) toutes définies comme des crimes de guerre dans le statut de la CPI. C'est le cabinet de Gilles Devers, un avocat français inscrit au barreau de Lyon, qui a reçu le mandat des deux Palestiniens pour transmettre la plainte à Fatou Bensouda, la procureure de la CPI. « Nous visons les actes dont nous constatons les effets. On est depuis deux mois dans une logique de punition collective. Chaque jour est marqué par de nouveaux crimes, et la population civile représente plus de 80% des victimes. Les enfants, les femmes, les hôpitaux, les écoles... les soldats israéliens ne respectent rien. C'est une attaque militaire contre la population palestinienne », déclare dans un point de presse, Gilles Devers. « On vise essentiellement les crimes contre les civils » parmi lesquels « des attaques militaires qui ont des effets démesurés sur des populations civiles. Ce sont des infractions prévues par les statuts de la CPI. Dire que pour tuer une personne qui serait un combattant, on doit tuer dix civils, c'est absolument inacceptable moralement et juridiquement c'est un crime », ajoute-t-il. « Pour le moment, il faut obtenir l'ouverture d'une enquête et le transfert du dossier à la chambre préliminaire pour qu'elle autorise l'enquête », explique Me Devers, avant de rappeler que « les dirigeants palestiniens pensent qu'à la violence, il faut répondre par une justice égale pour tous ». La CPI pourra-t-elle recevoir une plainte d'un pays qui n'a pas ratifié les statuts de Rome ? « Oui », répond Me Devers. « Le 21 janvier 2009, dans le contexte de l'opération israélienne ‘Plomb durci', l'Autorité palestinienne du fait de l'occupation miliaire, du blocus, de l'agression armée et de son incapacité à exercer son pouvoir judiciaire a émis une déclaration consentant à ce que la Cour pénale internationale exerce sa compétence à l'égard d'actes commis sur le territoire de la Palestine à partir du 1er juillet 2002 », date de mise en œuvre du traité de création de la CPI. La CPI, qui ne s'est jamais prononcée sur le conflit israélo-palestinien, malgré des dizaines de plaintes, à la différence du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, va-t-elle enfin se prononcer sur les agissements des responsables israéliens ou rédiger un rapport qui finira dans les tiroirs ?