« La lutte contre le crime transfrontalier est l'affaire de tous. Elle n'est pas seulement la mission de la Gendarmerie nationale, plus précisément des gardes-frontières », a indiqué, dimanche dernier, le commandant du 19e Groupement des gardes-frontières (GGF) de Bab El Assa, le lieutenant-colonel Abdelouahab Benafia. Située sur la frontière ouest avec le Maroc, Bab El Assa est « la plus dangereuse région frontalière en Algérie, vu la diversité et la complexité de sa topographie », selon l'officier supérieur. Elle est considérée comme le lieu le plus fréquenté par les trafiquants de carburant eu égard à la proximité de certaines localités algériennes avec des localités marocaines. De ce fait, le lieutenant-colonel Benafia a déploré, dans un point de presse, « la passivité » de l'administration, qui ne s'implique pas dans le processus de lutte contre la contrebande, notamment le narcotrafic et le trafic de carburant. Il a, à ce propos, affirmé que ses services ont sollicité les autorités administratives locales pour la prise d'une série de mesures afin de réduire ce fléau qui menace la sécurité et l'économie nationales. Il cite le cas des moyens de transport du carburant et du kif traité saisis. « On a proposé aux autorités administratives de les transférer au complexe d'El Hadjar, à Annaba, pour y être démontés, mais rien n'est fait. Les véhicules saisis sont récupérés par les contrebandiers, leurs propriétaires, lors des ventes aux enchères, de même pour les autres marchandises », a-t-il déploré. L'entassement des véhicules saisis dans les parkings des Douanes a provoqué des incidents graves : des parkings à Maghnia et à Tlemcen ont été incendiés par des hallaba (contrebandiers de carburant). En outre, certains contrebandiers n'hésitent pas à mettre le feu à leurs véhicules lors des embuscades des services de sécurité. « C'est une méthode bien étudiée qui rend l'identification du véhicule ou de son propriétaire extrêmement difficile », a expliqué le chef d'un escadron des GGF à Hadj Miloud. De même pour les animaux de bât ! « On tirait sur des baudets lors des embuscades, mais l'évacuation des cadavres ne suit pas, ce qui représente une menace pour la santé publique. Cela dit, on a renoncé à cette mesure », a expliqué le même responsable. Par ailleurs, le chef de ce groupement a soutenu que les mesures prises par le commandement de la Gendarmerie nationale dans le cadre de la lutte contre le crime transfrontalier ont porté leurs fruits, notamment pour contrecarrer le trafic de carburant et de drogue. En chiffres, le 19e GGF a saisi, durant les premiers sept mois de l'année en cours, 210.000 litres de carburant destinés à l'exportation illégale vers le Maroc. « Suite à la construction des tranchées, les hallaba recourent de plus en plus aux mules pour le transport des jerricans », a attesté le lieutenant-colonel Bouafia lors de la présentation du bilan de l'activité de son groupement. Ce type de trafic reste très prisé par les contrebandiers. « Un jerrican de 30 l de carburant est vendu aux frontières à 750 da. Après l'Aïd, il a été cédé à 2.500 DA vu la forte demande au Maroc », a rapporté l'officier supérieur. 15 millions pour le transport d'un quintal de drogue De même pour le narcotrafic. « Face à la pression exercée sur eux, les narcotrafiquants dépensent d'énormes sommes pour le transport du kif en provenance du Maroc », a souligné l'officier de la GN. Ce tour de vis sécuritaire a imposé une nouvelle « grille des tarifs » dans le milieu : 15 millions de centimes pour le transport de 100 kg de kif traité. « Aujourd'hui, il y a plus de risques dus aux obstacles, notamment avec la construction des tranchées qui ont permis une meilleure surveillance et plus de contrôle des mouvements suspects », a-t-il relevé. Ainsi, tout le long de la bande frontalière ouest et sud-ouest, des fossés ont été creusés. « Ces tranchées s'étendent sur l'axe frontalier, allant de Marsa Ben M'hidi jusqu'à Béchar, au sud-ouest », a indiqué le responsable de la communication du commandement de la GN, le lieutenant-colonel Abdelhamid Kerroud. Conséquence : la circulation des véhicules est devenue plus difficile et risquée. Ce qui a eu pour effet le renchérissement des prix des asiniens. « Un baudet est proposé à 20.000 jusqu'à 50.000 DA ici. Les bêtes de somme sont devenues le seul moyen de franchir la frontière. Ils sont des centaines à traverser quotidiennement dès le coucher du soleil, les champs d'oliviers et les pistes pour l'acheminement du carburant et de la drogue. Ils sont silencieux et connaissent le chemin », a signalé Abdelkader, chef d'équipe des GGF, lors de l'interception d'un convoi d'ânes bien chargés, au lieu-dit Diar Malika, vers minuit, par un escadron pédestre. Les narcotrafiquants ont recouru également à l'installation de « passerelles » en madriers, sur les tranchées, pour pouvoir circuler. Plusieurs d'entre eux ont été interceptés par les GGF en patrouille. Singularité, des tranchées ont été construites, y compris sur des terrains privés, situés à proximité de la frontière du côté marocain. « Les propriétaires ont été indemnisés, mais je tiens à préciser que les familles algériennes ont été très compréhensives, aucune protestation ou refus n'ont été enregistrés », a fait savoir le lieutenant-colonel Bouafia.