Sur les ruines de l'Irak, promis à un nouveau destin « libre » et « démocratique », le scénario de l'éclatement en trois entités est désormais plaidé ouvertement par Washington. Dans une tribune publiée par le Washington Post, le vice-président américain, Joe Biden, a déclaré que son pays soutiendrait un système fédéral en Irak avec trois régions semi-autonomes attribuées aux chiites, sunnites et Kurdes. Le retour aux affaires irakiennes de Barak Obama, découvrant in fine la nature cancérigène de l'Etat islamique dans la décapitation du journaliste James Foley, véhicule la grande mystification de la tragédie qui ignore le génocide irakien et privilégie le traitement discriminatoire des droits de l'Homme totalement occulté dans l'enfer de Ghaza et le « conflit oublié » sahraoui. Il est donc dans la pure tradition de l'empire de veiller scrupuleusement à la préservation de ses intérêts stratégiques et commerciaux. Ce qui explique la révision de l'approche américaine du conflit syrien qui n'exclut plus le recours à la force. Les Etats-Unis, prêts à « agir », ont lancé un avertissement à leurs alliés devenus encombrants. Selon le Wall Street Journal, le Pentagone a affirmé qu'« en cas de menace quelconque contre l'Amérique », des frappes ariennes pourraient être nécessaires en Syrie. Selon un responsable américain, les camps d'entraînement seront visés. En perte de vitesse, l'EI est sur le fil du rasoir. L'Arabie saoudite se prépare à accueillir, demain, une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Egypte, de la Jordanie, du Qatar et des Emirats arabes unis, pour débattre de « la dégradation de la situation dans la région du Levant et de la présence croissante en Irak et en Syrie de courants extrémistes, notamment l'Etat islamique, et la progression des djihadistes de celui-ci », a annoncé un communiqué égyptien. La « solution politique » est de retour. Mais tout indique que l'hyperpuissance veille au grain dans le processus de refondation régionale légitimée par la menace de l'EI balayant, en Irak, le fragile équilibre interne qui n'a pas résisté à la première offensive des combattants de l'énigmatique Abou Bakr El Baghdadi. Fort de la contagion de l'EI, instaurant le califat à la fin du mois de juin dans toute la région qui couvre le Nord irakien et l'Est syrien, l'intervention militaire conforte le Kurdistan aux promesses énergétiques et hydriques importantes à Kirkouk et à Mossoul de plus en plus convoitées. Ailleurs, le fossé confessionnel chiite-sunnite crédite le scénario américain. Dans un déferlement de violence inouï, les « frères ennemis » se livrent une guerre sans merci qui pèse énormément sur les chances d'un gouvernement d'union nationale présenté en alternative incontournable pour relever le défi de l'EI. En pleines tractations, le successeur du très contesté El Maliki, le nouveau Premier ministre, Haider Al Abadi, est confronté aux nouvelles tensions confessionnelles générées par l'attaque « abominable » de la mosquée sunnite (70 morts), condamnée par Washington, et l'attentat-suicide commis contre le QG des renseignements du ministère de l'Intérieur (6 morts). Tout en appelant à l'« unité », Al Abadi réussira-t-il à taire les rancœurs et reconstituer un front commun jugé indispensable pour le lancement de l'offensive des forces armées irakiennes fortes de la collaboration des tribus sunnites et des milices chiites ?