La parenthèse d'El Maliki est définitivement fermée. Le glas sa sonné pour l'ancien Premier ministre, désespérément accroché au pouvoir et accusé, en raison de son penchant autoritariste et sa politique sectaire, de favoriser les desseins insurrectionnels de l'EI. La volonté de maintien au pouvoir d'El Maliki, menaçant ses nombreux adversaires, est en définitive appréhendée comme un facteur de blocage institutionnel. Du Massachusetts où il passe ses vacances, le président américain a tiré un trait sur l'ère mouvementée d'El Maliki, sommé de céder pacifiquement le pouvoir. Mais de nombreux écueils se présentent dans le changement de gouvernail voulu par l'Alliance nationale qui forme la principale coalition chiite au Parlement et néanmoins dénoncé par le parti Dawa auquel appartiennent les deux hommes. Cette situation de confusion s'accompagne d'un climat de tension qui fait craindre le pire. Le Premier ministre sortant, qui se vante du soutien de nombreux officiers, a déployé ses tanks dans la capitale aux artères bouclées et quadrillées par les forces de sécurité. Après le bras de fer engagé contre le président Fouad Massoum, il a promis de « corriger cette erreur », allusion à la nomination de son prédécesseur et au soutien de Washington qui « s'est tenu aux côtés de ceux qui ont violé la Constitution ». Le scénario de l'épreuve de force est la seule issue qui reste au candidat du compromis des années de braise passé au statut de paria, rejeté par tous les acteurs irakiens : les sunnites vivant mal la marginalisation, les Kurdes brandissant la menace de référendum d'indépendance et jusqu' à sa famille politique chiite. Le cordon ombilical a été totalement coupé par l'Iran qui s'est rangé dans le camp des partisans du nouveau Premier ministre, Haider Al-Abadi, l'ancien élu porté à la vice-présidence du Parlement en juillet dernier. Chargé de la formation d'un gouvernement dans les 30 jours qui viennent, il jouit de la confiance de la communauté internationale. « Que les choses soient claires, nous avons toujours appelé de nos vœux un gouvernement d'union qui représente (...) tous les Irakiens. C'est l'objectif », a martelé John Kerry. Cette option est érigée en condition sine qua non de l'aide politique, économique et militaire. La mise en garde américaine se légitime, outre les immenses défis de reconstruction et de réconciliation nationale, par le combat commun contre la menace de l'EI, contrôlant de larges zones des cinq provinces irakiennes et traqué, en priorité dans le Nord, dans une « demi-guerre » menée par les Peshmergas. L'Amérique d'Obama, de retour dans le bourbier qu'elle pensait quitter pour toujours, tente d'allier les frappes aériennes pour préparer le terrain à une offensive terrestre du ressort des « seuls Irakiens » aux opérations humanitaires destinées aux dizaines de milliers de réfugiés chrétiens et yazidis ( 60.000 litres d'eau et 75.000 repas largués par le Pentagone et les forces britanniques). Washington, qui ne veut pas de troupes américaines au sol, s'attaque aux positions de l'EI et entend armer les forces kurdes en collaboration avec le gouvernement central, renouant avec des relations apaisées et atteignant des « niveaux sans précédent », selon une porte-parole de la diplomatie américaine, Marie Harf. La livraison d'armes, qui a commencé dès la semaine dernière, est aussi au cœur de la réunion extraordinaire des ambassadeurs de l'Union européenne (UE) et des ministres des Affaires étrangères, demandée par Laurent Fabius. « Il s'agit d'aider les Kurdes, les Irakiens, à avoir les moyens de résister et si possible de battre » l'EI qui n'est plus « qu'à 120 km de Bagdad » avec des « tanks à tous les coins de rue ». Le chef de la diplomatie française, qui s'inquiète de la contagion de l'EI dont « l'objectif, c'est l'Irak, la Syrie, la Jordanie, Israël, la Palestine », a mis le doigt sur le fléau régional qui nécessite une approche globale du « terrorisme international ». De l'Irak à la Syrie voisine, la mobilisation de la communauté internationale rompra-t-elle avec la politique discriminatoire de « deux poids deux mesures » de l'EI combattu en Irak et toléré en Syrie ? L'égocentrisme occidental maladif, privilégiant les impératifs de « sécurité nationale », a pour seul souci de se prémunir du retour de flamme de la Syrie, à feu et à sang. Le secrétaire d'Etat américain a annoncé que les Etats-Unis et l'Australie vont saisir l'Onu sur la question des milliers de combattants occidentaux en Syrie et en Irak dont le retour au pays d'origine est particulièrement redouté. Sans plus.