« Le cadavre encerclé », œuvre du grand dramaturge algérien Kateb Yacine (1929-1989), a été présentée au public algérois mercredi soir par la troupe du théâtre régional de Béjaia qui a offert au public l'occasion de renouer avec le théâtre populaire. Mise en scène par Djamel Abdelli, la pièce a pour thème le début des massacres du 8 mai 1945 à Sétif, qui ont fait des milliers de morts. Se déroulant dans un espace scénique ouvert avec un décor très minimaliste, comme le veut le théâtre katébien, cette œuvre transmet l'angoisse, le désarroi et le désespoir de Nedjma cherchant au milieu des cadavres Lakhdar, personnage principal de la pièce, dont elle reste sans nouvelle depuis le 8 mai 1945, une journée que l'auteur avait vécue dans sa chair et qui a inspiré une grande partie de son œuvre. Supposé mort par ses compagnons de lutte, Lakhdar, militant de la cause nationale, errant à moitié mort entre les rues et la prison de la ville, rencontre une jeune femme, fille d'un officier de l'armée coloniale qui le soigne avant que Nedjma et ses compagnons ne le retrouvent abattu par la torture et refusant de les rejoindre. Ecrit dans une forme poétique recherchée et engagée dans un contexte de soif de libération de l'Algérie colonisée qui a vu naître l'auteur, le texte n'a pas réussi à saisir le public, qui s'est déplacé en masse pour assister à une pièce écrite par Kateb Yacine, puisque simplement inaudible, faute de comédien à la présence forte et à la voix puissante. Au niveau de la mise en scène, Djamel Abdelli a souhaité reproduire l'esprit katébien du théâtre populaire, en se passant de décor ne comptant que sur les lumières comme acteur, la profondeur du texte et le jeu des comédiens qui a été « décevant » selon les critiques de théâtre présents. Ajouté à cela, l'absence de narrateur et de musique qui ont toujours été présents chez Kateb Yacine pour faire la jonction entre les tableaux et faciliter la compréhension. Conscient de ces insuffisances, le metteur en scène Djamel Abdelli a déclaré qu'il était tout de même « nécessaire » de s'essayer au texte de cet auteur afin de « revivifier le répertoire dramaturgique algérien », même si cette mouture doit être « encore travaillée ». « Le cadavre encerclé », parue en 1959 dans « Le cercle des représailles » qui contient également « La poudre d'intelligence », « Les ancêtres redoublent de férocité » et « Le Vautour », sera également à l'honneur du prochain Festival international du théâtre professionnel qui se tiendra à Béjaia prochainement avec deux autres troupes étrangères qui présenteront leurs versions de ce texte, a annoncé Omar Fatmouche, commissaire du Fitp.