Le rideau est tombé sur la 12e édition du festival international Dimajazz. Les organisateurs se disent satisfaits du déroulement du festival, en dépit du fait qu'il se tienne pour la première fois sous un chapiteau et non dans une salle de spectacle. Les organisateurs ont bravé les défis. Pris par le temps, boudés dans un premier temps par la direction de la culture, ils ont tout de même réussi leur pari. Il va sans dire que l'avantage avec l'installation d'un chapiteau est que non seulement il y a plus d'espace, ce qui donne lieu à une meilleure organisation - et ce fut le cas -, mais il y a aussi le fait que la scène fut agrandie, de même pour les places réservées au public (il y a pratiquement deux fois plus de places par rapport au théâtre). La fréquentation a été nettement en progression durant les trois dernières soirées. Côté sonorisation, si les cinq premières soirées ont été impeccables, on regrettera toutefois les deux dernières où le son était plutôt désagréable, une imperfection qu'un organisateur impute aux artistes eux-mêmes. Une semaine très riche en couleurs et en musique, de grands noms ont défilé sur la scène. L'un des grands moments du festival était sans doute cette première soirée très rock'n'roll qui a vu le guitariste Eric Sardinas et sa bande « Big Motors » mettre le feu ; comme on retiendra le concert du groupe The Syndicate et la surprise Aziz Sahmaoui. On notera également la magnifique prestation — très politisée — du Nigérian Seun Kufi et sa troupe. La dernière soirée a enregistré une fréquentation record, les billets se sont envolés deux jours avant, et on notera la présence de jeunes venus de plusieurs autres villes telles qu'Alger, Oum El Bouaghi ou Sétif. Le parking était plein à craquer en cette soirée de clôture du festival. Au programme, la première partie fut plutôt calme et assurée par un duo de musiciens très expérimentée : Juan Carmona et P'tit Moh. Au menu du Chaâbi-flamenco, où deux musiques populaires méditerranéennes se rencontrent. Les deux hommes se sont rencontrés il y a un plus d'un an, lors de l'événement « Marseille capitale de la culture européenne ». N'empêche que les deux musiciens ont eu du mal à confirmer une certaine complicité. Tout en étant concentrés ils ont quelques difficultés à travailler en parfaite symbiose. « On a eu des problèmes pour répéter, hier (Vendredi NDLR), il est bien sûr évident que si on avait plus de temps, on aurait fait un meilleur concert », nous a confié Juan Carmona. Les projets de fusion entre différents styles de musiques sont toujours difficiles à réaliser. Cela demande beaucoup de temps et beaucoup de recherches, deux conditions que Juan et P'tit Moh envisagent de satisfaire dans un avenir proche. « Cette rencontre, il ne faut pas qu'elle soit superficielle et folklorique. C'est avant tout un dialogue de culture, de deux visions différentes qui ont le même but. Moh n'a rien à prouver, il connait et maitrise très bien le chaâbi. C'est un peu comme moi, ce qui nous intéresse maintenant c'est d'essayer autre chose. J'ai cinquante ans, je suis gitan et depuis tout petit je joue le flamenco. Imaginez que durant toute votre vie vous mangez le même plat. C'est bon, mais au bout d'un certain temps vous voulez gouter autre chose. C'est pour cela que je suis toujours à l'écoute d'autres musiques », ajoute Carmona. P'tit Moh est aussi de cet avis et pense que sa musique a besoin d'être rafraichie : « J'essaye de faire du chaâbi sans être puriste, parce qu'on a envie d'entendre de la basse, de la guitare. Les maitres du chaabi tels El Anka, Guerouabi ou Ezzahi, étaient en avance, je n'ai pas les capacités à faire cela. Ça fait 20 ans que je suis en Europe, donc j'essaye de faire simple et moderne. C'est la même recette, on change quelques ingrédients mais on ne peut pas dénaturer la musique ». Changement de décor et d'ambiance en deuxième partie de cette soirée, les organisateurs ont retiré les chaises pour libérer de l'espace et ainsi permettre au public de danser. Le Colombien Yuri Buenaventura, connu surtout en France au milieu des années 1990 pour avoir réinterprété la chanson « Ne me quitte pas » de Jacques Brel, a créé une ambiance très salsa, toute la salle s'est transformée en une énorme discothèque au grand bonheur du public. Bref, une clôture en apothéose. On regrettera toutefois que Yuri Buenaventura n'ait pas daigné tenir une conférence de presse à la fin du spectacle, il est ainsi le seul artiste de tout le festival à agir de la sorte.