Nasser Hannachi Une affiche dynamique dans un village de jazz. DimaJazz, le Festival international de jazz de Constantine, n'a pas sacrifié sa douzième édition. Elle aura lieu du 20 au 26 septembre sous un chapiteau implanté à côté du Théâtre de verdure Mohamed-Ouchen, à Zouaghi. Les besoins des préparatifs de toutes les salles au chef-lieu en perspective de «Constantine, capitale de la culture arabe 2015» ont ainsi contraint les organisateurs à trouver une alternative qu'on dit pour le moins bonne : le festival ne sera pas perturbé et il y aura des places supplémentaires dans le chapiteau dressé à l'occasion et qui peut accueillir jusqu'à 1 500 places. Un village DimaJazz y éclora ces trois prochains jours. «C'est pour ne pas casser le fil de la manifestation qu'on a opté pour ce choix. Et cela ne veut pas dire qu'il s'agit d'une simple affiche. En témoigne le programme qui regroupe des figures importantes de cette musique, dont le saxophoniste Sylvain le Beuf, Sia Tolno, le guitariste flamenco, Juan Carmona, la ‘‘jazz woman arab'' Mamia Chérif», dira le commissaire du festival, Bouzid Zoheir. «On a concocté une grille qui répond aux spécificités du chapiteau donc des spectacles énergiques», ajoutera-t-il. Pour une semaine l'aire sera animée par des écrans géants et autres supports techniques qui font illustrer davantage cet évènement musical. Notre interlocuteur regrette toutefois la fermeture du Théâtre régional de Constantine qui devait abriter cette édition en avril dernier. «On a demandé une semaine. Rien n'y fit. Les décideurs ont affiché leur niet arguant les travaux que doit subir le théâtre. Or, depuis, on constate que les chaises ont été enlevées et les travaux peinent à voir le jour», déplore-t-il. En matière de sponsoring le commissariat de DimaJazz n'y a pas eu recours, reconnaissant que la période propice pour ce genre d'opération était dépassée. «En avril cela aurait été faisable». Le ministère de la Culture, comme à l'accoutumée, finance une partie des dépenses dès lors que le festival est institutionnalisé. De la qualité, le crédo de DimaJazz Et si le jazz nous offrait son âme originelle à l'occasion de cette nouvelle édition du Festival international de DimaJazz qui ouvre son chapiteau pendant une semaine chargée de bonne musique ? C'est déjà... établi. Les programmateurs ont opté pour une partition africaine. «Berceau du rythme et du jazz». Au moment où le doute planait sur l'annulation de cette manifestation d'habitude printanière en raison des chantiers engagés dans la ville des Ponts pour les besoins de la manifestation culturelle universelle de 2015, les férus organisateurs ont puisé dans leurs compétences pour accroitre le tempo amorcé il y a douze ans ! «La question ne devrait pas se poser», affirment les compères du défunt Azziz Djemmam, un des membres fondateurs de l'association Lima qui a donné naissance à cette manifestation désormais inscrite dans l'agenda de l'Unesco. Du 20 au 26 du mois en cours, Constantine renouera donc avec des sonorités jazzy. Une délocalisation près du théâtre de verdure à Zouaghi, une alternative somme toute réfléchie en vue de ne pas casser l'élan de cet évènement artistique enraciné depuis plus d'une décennie. «Une édition un peu spéciale à cause des chantiers de l'évènement de Constantine capitale de la culture arabe 2015, mais loin du bricolage», précise-t-on du côté du commissariat qui ajoutera : «La facture artistique est conforme à notre credo : toujours plus haut». Le ton fort sera donné samedi soir en la seconde partie de la première soirée par le «Big Motors» sous la conduite du bluesman Eric Sardinas au six opus, toujours prédominés par le slide à la guitare électrique à résonateur, ce qui élargit les styles rocks et Blues. Mamia Chérif, chanteuse, auteure et compositrice d'origine algérienne née dans le nord de la France, à Lille, assurera l'ouverture de la douzième édition. Sa réadaptation de Caravan de Duke Ellington et des Feuilles mortes (Autumn leaves) de Prévert Kosma lui ont valu une certaine liberté pour chanter l'amour. Avant cela, elle évoquait «la douleur du déracinement» dans L'Algérie j'en pleure ou Silence des mots. Son histoire avec le jazz a commencé à travers la danse (Be-Bop acrobatique). En interprétant des standards du genre, Mamia a trouvé un lien direct entre le jazz et le raï dont la note commune est le blues, donnant un style métis qu'elle a baptisé «Raï acoustique» concocté à l'aide de sa troupe Arab jazz. L'Afrique, berceau du rythme et du jazzLa touche algérienne sera aussi dans la belle trouvaille entre le flamenco et le chaâbi avec Juan Carmona à la guitare flamenca, qui a eu le mérite de décrocher en 1994 le premier prix du concours de Madrid voué au monstre aux doigts célestes Paco de Lucia, et Mohamed Abdennour dit «P'tit Moh», perfectionniste du mandole dans la musique chaâbi. Sandra N'Kaké, une voix d'Afrique assez soul teintée de pop rock, Sia Tolno d'origine guinéenne découverte en 2009 alors qu'elle préludait un show de la diva Cesaria Evora et le Sénégalais virtuose guitariste Hervé Samb, quartet and guest, figurent au programme de cette douzième édition à coloration africaine qui ne déroge pas à la touche jazzy. Ainsi le saxophoniste français Sylvain bœuf et son Electric quartet entendent bien explorer le monde musical qui l'a influencé durant 25 années de carrière. Pop, Jazz rock, afro jazz, folk,... ils exhumeront les prouesses et délices musicaux des Pat Methney, Genesis, Neil Young, Sting. Le saxophone sera également à l'honneur avec Oluseum Anikulapo ou Seun Kuti, digne héritier de son père Fela Kuti, décédé en 1997. Le jazz électro funk résonnera. LP Septet créé il y à peine trois années par le bassiste compositeur français Lilian Palomas a déjà conquis les scènes grâce à de multiples influences latino et africaines ajoutées à l'essence du jazz funk où basse slap outre mesure ! D'autres artistes s'illustreront dans le festival, à l'image de Sony Troupé (dont le père Georges Troupé est saxophoniste) excellant sur le tambour Ka avant de se lancer dans des expériences approfondies à travers des études : batterie, vibraphone et piano, pour être couronné avec un degré supérieur option «Harmonie jazz» au piano. Deux autres formations The Syndicate et Anke quintet viennent étoffer la programmation. La douzième édition s'achèvera sur un ton de Salsa newyorkaise. Le colombien Yuri Buenaventura (de son vrai nom Yuri Bedoya) en sera l'invité de clôture. Question de ranimer le rythme final sous le chapiteau de DimaJazz. Une douzième édition qui s'annonce palpitante en cadence. Le chapiteau s'y prête. «Il y aura une partition variée je dirais même un avant-gout à l'évènement de ‘‘Constantine capitale de la culture arabe'' avec la prestation inaugurale de Mamia Chérif», conclut le commissaire. N. H.