Cette année, des inquiétudes sont apparues dans le sillage de l'épidémie de la fièvre aphteuse qui fut d'abord la hantise des éleveurs. Bien qu'aucun cas n'ait été enregistré jusqu'à ce jour parmi les ovins et qu'aucune contamination vers l'homme n'ait été soulignée, nombreux sont ceux qui hésitent encore à acheter le mouton par précaution. Six familles habitant le quartier des Tamaris (El Harrach) ont décidé, d'un commun accord, de ne pas acheter le mouton pour l'Aïd. « Il y a la crainte de cette maladie. Et puis, comme nos maisons sont mitoyennes, aucun de nos enfants ne va jalouser l'autre » nous avoue une des femmes. D'autres refusent de procéder tout bonnement au sacrifice. « Mon mari n'y connaît rien et s'avère novice en la matière. S'il est facile d'acheter, le sacrifice et le dépècement d'un mouton n'est pas à la portée de tout le monde ». Cette phrase et cet aveu de dépit reviennent dans la bouche de beaucoup de femmes, contraintes de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Pour elles, il n'est pas question d'acheter un mouton et solliciter en courant à droite et à gauche l'aide des voisins pour sa mise à mort dans la baignoire ou la loggia de son appartement. « Autrefois, je passais les fêtes de l'Aïd El Adha dans la maison parentale. La maison est spacieuse, mon défunt père était un connaisseur dans l'acquisition de la bonne bête pour le sacrifice qui faisait la joie des membres de la famille » regrette une dame qui a cessé de vivre de tels moments depuis belle lurette. Le souci financier empêche beaucoup de familles de sacrifier le jour de l'Aïd. Le mouton, qui a atteint des prix à vous donner le tournis, reste inaccessible pour beaucoup de ménages. C'est le cas de Slimane Sid Ahmed, père de deux enfants. « Cette année, les prix ont pratiquement triplé. Les moutons de 30.000 ont disparu de la circulation au niveau d'Alger. À Chéraga, certaines bêtes ont atteint les 90.000 DA. La meilleure des solutions est de le boycotter » dit-il comme pour s'excuser de devoir renoncer, malgré lui, à un rite religieux.Les raisons du renoncement au sacrifice, quasi général il y a encore quelques années, sont multiples. Les bêlements sur les balcons se feront-ils de plus en plus rares ?