Rambo, Gladiateur ou Rougi, à Constantine, comme dans les autres wilayas du pays, on ne manque pas d'imagination pour affubler son bélier d'un nom. Les combats de moutons font rage en cette veille de l'Aïd, particulièrement dans les quartiers populaires. Dans la cité Boussouf, un terrain de foot est ainsi occupé chaque après-midi par des amateurs de ces combats. Une foule nombreuse vient assister à ce spectacle gratuit où tous les coups sont permis. Les propriétaires exhibent leurs impressionnantes bêtes aux cornes en spirale et souvent aux crânes et au dos rougis au henné pour éloigner le mauvais œil nous dit-on. Un rituel que certains pratiquent depuis des années. Des familles se sont même spécialisées dans l'achat de moutons de grands gabarits. « Généralement, ils achètent leurs bêtes un mois avant l'Aïd, parfois ils vont très loin pour les chercher, dans les plaines de M'sila ou Laghouat. Ce sont des gens qui sont juste passionnés par les combats et n'en font pas forcément un business » nous dira un habitant de la cité Boussouf, qui assiste à un duel entre deux moutons. C'est au tour de Babaye, dont une partie de la toison est noire, et de son adversaire du jour, Ronaldo, d'entrer en scène. Ce combat violent durera une quinzaine de minutes au grand bonheur des jeunes et des moins jeunes qui y assistent. « Les paris sont interdits, ils sont haram contrairement à certains quartiers où de grosses sommes sont mises en jeu. Il y a quelques années, on pariait aussi, mais plus maintenant, nous veillons à ce que ça reste interdit. Ici, ce sont principalement les habitants du quartier qui ramènent leurs moutons. Nous évitons ainsi des combats avec des moutons des autres quartiers parce que, généralement, ça se termine toujours par une bagarre entre les propriétaires. Cette année, mon mouton a gagné tous les duels, il est fort, je pense qu'il restera invaincu jusqu'à la veille de l'Aïd. Je fais cela par plaisir et pas pour autre chose, je respecte énormément ces bêtes même si je sais que ce que je fais n'est pas très recommandé par notre religion », nous dira Réda, le propriétaire de Babaye. Les accidents sont rares nous assurent d'autres propriétaires de moutons. Selon eux, aucune bête n'est décédée ces dernières années au cours d'un combat. « C'est un peu comme dans un match de boxe, lorsque l'adversaire est KO, on arrête tout de suite le combat. Malgré la violence des coups, les moutons sont robustes, ils tiennent le coup » nous explique l'un d'entre eux. Notons, enfin, que dans beaucoup de cas, les propriétaires s'attachent à leurs béliers au point de ne pas les sacrifier durant l'Aïd. Beaucoup, en effet, décident de les garder et même de les dresser tel un animal de compagnie.