Le Centre culturel algérien (CCA) de Paris abritera, jeudi prochain, une rencontre débat autour du livre « Chroniques des Aurès » de René Fagnoni. Cette rencontre sera animée par Nadia Agsous, journaliste écrivaine, a-t-on appris du CCA. La rencontre a pour objectif d'inviter René Fagnoni, cet ami de l'Algérie et des Algériens, à nous faire part de son expérience en Algérie, des circonstances dans lesquelles il a pris ces premières photos en couleurs Kodak chrome et de sa lutte pour la réhabilitation des Algériens d'origine européenne qui ont participé activement à l'indépendance de l'Algérie. Contactée, Nadia Agsous, cette Algérienne, qui vit en France depuis 1993, a indiqué : « L'affectation au poste de secrétaire du capitaine major a été, pour R. Fagnoni, une grande opportunité pour découvrir les facettes inconnues, cachées, tues du colonialisme et ainsi, la réalité des conditions de vie et d'existence de cette masse de population colonisée désignée sous la vocable d'indigène qui s'était engagée, dès 1954, dans la lutte pour la libération de son pays ». Nadia Agsous a ajouté que c'est à « Merouana, Tamerwent en langue chaouie, anciennement Corneille et dans d'autres lieux de l'Est algérien, en 1959, que R. Fagnoni a appris à connaître et à aimer l'Algérie et les Algériens ». Et pour laisser une trace des scènes quotidiennes qui montrent des femmes, des hommes et des enfants posant devant l'objectif, vêtus de misère et de pauvreté et un environnement naturel qui éclate de beauté et de jeunesse, R. Fagnoni a usé de son appareil photos comme d'une arme, dans le but de défier symboliquement l'ordre colonial. Quelques-unes de ces photographies ont été rassemblées dans un ouvrage intitulé « Chronique des Aurès » republié par les Editions Dalimen en 2013 et traduit récemment en langue berbère, après avoir été édité une première fois par les Editions Art-Kange. « Je n'ai pas photographié la guerre », déclare R. Fagnoni. Car de son point de vue, explique Nadia. « La guerre est une émotion qui n'est pas traduisible par des photos ». Il a plutôt filmé la vie quotidienne des Algériens qu'il a pu approcher mettant en lumière des scènes de la vie quotidienne révélant les us et coutumes de l'époque, des enfants arborant des mines aguichantes parées d'innocence, des femmes assises à même le sol, en pleine nature, vêtues de robes aux couleurs à la fois sombres et chatoyantes, des hommes travaillant la terre, s'affairant en pleine nature pour subvenir aux besoins alimentaires de leur famille, une population indigène colonisée, dominée, vivant dans la pauvreté, la misère, le dénuement ; une nature belle et généreuse, des êtres humains porteurs de valeurs humaines et humanistes telles que la solidarité, le partage. L'auteur, rappelle la journaliste écrivaine, consacre également une partie de son livre aux photos agrémentées de textes qui viennent davantage éclairer la substance humaine et humaniste de la vision et des idées de R. Fagnoni, aux Algériens d'origine européenne pour lesquels il rend un vibrant hommage et revendique la réhabilitation de ces « justes », « ces héros qui ne doivent pas mourir », « ces exemples pour notre époque qui manque cruellement de héros » ; ces « oubliés de l'Histoire » qui ont « dit non à une guerre injuste » et ont fait le choix de militer aux côtés des Algériens pour l'indépendance de leur pays : Maurice Audin, Fernand Yveton, Maurice Laban et bien d'autres. Selon Agsous, les textes et photos en couleur que « Chronique des Aurès » propose à notre regard ont incontestablement la valeur d'un document historique. La démarche de René Fagnoni est hautement symbolique car elle révèle sa volonté de laisser des traces de ce pan de l'histoire de l'Algérie et de la France afin de rendre justice à la population indigène qui a été dépouillée de son humanité. Ce livre est également un hommage vibrant à ces hommes et ces femmes algériens d'origine européenne, ces « justes » qui ont milité pour l'indépendance de l'Algérie. Des années ont passé. Et l'attachement de R. Fagnoni à l'égard de l'Algérie et des Algériens est toujours aussi fort. Plus qu'un témoin passionné et passionnant, il est, de nos jours, un pont entre ces deux pays et ces deux populations qu'il exhorte à « reprendre ensemble l'histoire en marche ». Ce passeur de la mémoire et de l'amitié entre les deux peuples nous invite à avancer lentement mais sûrement sur les chemins de la réconciliation. Mohamed Medjahdi René Fagnoni, « Chronique des Aurès », Recueil de poésies visuelles et autres senteurs, Editions Dalimen, Alger,/France, 2013, 181 pages.