L'Algérie en couleurs est un ouvrage de photographies qui témoignent du quotidien fait de dénuement et des souffrances des Algériens durant l'occupation française, a indiqué à l'APS son co-auteur, René Fagnoni. Ancien appelé du contingent français dans les Aurès, le militaire n'a pu s'empêcher de fixer sur pellicule ces images qui l'ont marqué. Elle l'ont tant et si bien marqué et convaincu qu'il était que de telles photos «ne pouvaient rester la seule propriété de ceux qui en sont les auteurs», M. Fagnoni a décidé de contacter d'autres appelés pour leur demander de lui confier leurs photos pour qu'elle soient publiées dans un ouvrage collectif, confiera-t-il à l'APS. Affecté en 1957 à Merouana, dans la wilaya de Batna, René Fagnoni dit qu'il n'avait «comme arme pour me démarquer de cette guerre abominable faite au peuple algérien que mon appareil à photos pour décrire le quotidien difficile d'une population colonisée». D'ailleurs, chaque photo prise a une histoire, ajoutera-t-il. «Il y a quelques mois, j'ai reçu un mail d'un certain Abdelhak Benzahi, affirmant que sur l'une des photos publiées dans mon livre Chronique des Aurès, il a reconnu sa grand-mère et son frère, actuellement instituteur à Merouana», indiquera le photographe selon lequel toute la Guerre de Libération nationale tient dans le contraste entre le quotidien de la population locale et «l'arrogance du colonisateur français». «Et c'est ce type de rapport qui a provoqué chez moi cet attachement au peuple algérien, qui est différent de moi», témoigne-t-il.A la question de savoir pourquoi avoir attendu tant d'années après l'indépendance de l'Algérie pour publier ces photos, il expliquera que, d'abord, ces photos étaient des diapositives et qu'il fallait donc les numériser avant de les graver sur CD. Ensuite, des amis algériens, ayant visionné le CD, «m'ont vivement recommandé de faire sortir ces photos fortes en symbolique de l'oubli». René Fagnoni ne se contentera pas de publier les photos seulement. Il les mettra à la disposition des Algériens et de l'Algérie. «Ces photos sont déposées, pour la plupart, dans une agence de renommée internationale et, dans le contrat que j'ai passé avec elle, j'ai mentionné que toutes étaient libres de droits pour l'Algérie : c'est-à-dire que les éditeurs peuvent en faire usage parce qu'elles appartiennent à la mémoire collective algérienne», indiquera le photographe âgé de 74 ans qui ajoutera que l'heure, aujourd'hui, est à la reconnaissance du combat des Algériens d'origine européenne morts pour l'indépendance de l'Algérie. Maurice Laban, Maurice Audin, Georges Raffini, Henri Maillot et bien d'autres avaient rejoint le combat du FLN pour l'indépendance de l'Algérie. «J'ai pris conscience qu'il y a toute une frange des combattants pour l'Algérie indépendante qui étaient tombés dans l'oubli de l'histoire et qui, en quelque sorte, étaient morts deux fois : une première fois sur le terrain et une seconde par l'oubli qui a été fait autour d'eux», regrette l'ancien membre du Parti socialiste unifié (PSU-dissous), reprochant notamment à la France de continuer à les traiter de «traîtres». «L'histoire finira par voir clair et dira que c'est à ces Algériens d'origine européenne, qui ont rejoint le combat pour l'indépendance, qu'aujourd'hui on doit les bons rapports qui existent entre l'Algérie et le France, car ils sont l'honneur de la France face à cette guerre impitoyable, et fondamentalement injuste faite au peuple algérien», a-t-il conclu.