« Il y a des indications selon lesquelles des crimes qui tombent sous la juridiction de la Cour pénale internationale sont commis » en Libye, déclare Fatou Bensouda, la procureure de la CPI devant le Conseil de sécurité, déplorant dans la foulée l'impossibilité pour l'institution qu'elle dirige d'enquêter. Par manque de moyens d'abord, et en raison du chaos qui règne dans le pays ensuite. Parmi les crimes qui tombent sous la juridiction, elle cite « la série actuelle d'assassinats à Benghazi et les menaces brandies contre quasiment tout le monde (médias, femmes, défenseurs des droits de l'homme, procureurs, juges et avocats). Mme Bensouda qui a dénoncé pour la énième fois, les cas de détention arbitraire d'individus qui « risquent d'être torturés et tués en détention » a déploré l'insécurité qui règne en Libye. « Elle a fortement affaibli notre capacité à enquêter de manière efficace dans le pays », de sorte que la CPI « a été forcée de réduire les moyens consacrés aux enquêtes, en particulier sur de nouveaux cas de crimes de masse commis par les forces rebelles », dit-elle, pressant « instamment » les autorités de redoubler d'efforts afin de garantir que les conditions nécessaires soient réunies dès que possible pour faciliter nos enquêtes en Libye ». Pour fournir un soutien matériel et juridique à la Libye, elle suggère la mise en place d'un « groupe de contact international sur les questions de justice ». Mme Bensouda ne désespère pas de pouvoir transférer un jour, à La Haye, Seïf al-Islam, le fils du défunt Mouammar Kadhafi, que Tripoli veut juger en Libye. Idem pour Abdallah al-Senoussi, un ancien chef du renseignement. Principal argument avancé : la persistance de la violence et les tentatives d'intimidation des juges, procureurs et avocats. Autant de raisons qui « augurent mal », explique-t-elle, « d'un procès équitable qui respecte les droits de l'accusé ». Bien avant la « sortie » de la procureure, Human Rights Watch s'est exprimée. Elle a exhorté le Conseil de sécurité à « exiger que l'impunité cesse en Libye » et à encourager fermement les autorités libyennes à coopérer avec la CPI. Faisant état « d'assassinats politiques qui pourraient constituer des crimes contre l'humanité », l'ONG demande au Conseil des droits de l'homme de l'ONU de créer une commission d'enquête. Parallèlement à ces deux organisations, la communauté internationale s'affaire à « aider » les Libyens à tourner la page de la violence. Bernardino Leon, l'envoyé spécial des Nations unies en Libye, sera bientôt à Alger pour « davantage de concertation avec le gouvernement algérien sur le dossier libyen » et « accélérer le dialogue global entre les parties libyennes en vue de réaliser la réconciliation nationale et construire des institutions démocratiques représentatives de toutes les composantes du peuple libyen », selon Ramtane Lamamra, le ministre des Affaires étrangères, rappelant que « l'Algérie reconnaît les Etats et non les gouvernements ». Le Soudan qui ne veut pas, lui aussi, donner une opportunité à une intervention étrangère en Libye, tente également une médiation pour un dialogue inclusif. Ali Karti, son ministre des Affaires étrangères, était lundi soir à Tobrouk pour des entretiens avec le gouvernement reconnu par la communauté internationale. Il s'est rendu ensuite à Tripoli pour rencontrer le gouvernement parallèle. A Benghazai, le gouvernement fait état d'une formation d'une unité spéciale de 2000 policiers. Selon Omar Al-Sanki, le ministre de l'Intérieur, cette unité opérationnelle va sécuriser la capitale de l'est du pays « libérée des extrémistes » par les unités de l'armée.