L'insécurité règne en maîre absolu dans un pays en décomposition et livré à la vendetta des milices qui se disputent des zones d'influence conquises par la loi des armes. Tel est donc le cas de la bataille de l'aéroport de Tripoli érigé en champ de confrontation. Au 13e jour de combats opposant la puissante tribu des Zenten à son rivale Misrata, venue en soutien aux milices islamistes, le risque d'« effondrement de l'Etat » est brandi par le gouvernement intérimaire libyen appelant à l'arrêt des combats qui ont fait au moins 47 morts et 120 blessés. Fait significatif, le Premier ministre, Abdallah al-Theni, avait été empêché, jeudi par une milice de prendre l'avion à l'aéroport militaire de Miitiga, à côté de Tripoli. A Benghazi, également, des affrontements quotidiens font rage entre les forces de l'ordre et des groupes armés islamistes qui, à l'instar d'Ansar El Charia, rêvent d'un émirat en gestation à Derna. Face à l'impuissance du gouvernement, évoquant la possibilité de faire appel à des « forces internationales », le destin de la Libye, totalement isolée depuis le retrait de la mission onusienne (Unsmil), le 15 juillet, se joue à la roulette russe. Le scénario irakien, générant l'alter ego de l'Etat islamique dans la Cyrénaïque, fonde le combat de la dignité initié par le général Khalifa Haftar en alliance avec les forces de sécurité. A Tripoli, la lutte d'influence participe de cette facture indéniable entre la mouvance islamiste, donnée pour battue dans la dernière consultation parlementaire, et les Zentanis présentés comme étant le bras armé du courant libéral. Les alliés d'hier, pompeusement qualifiés de « thowar », sont désormais des ennemis irréductibles qui s'arrachent les lambeaux de la Libye à feu et à sang, tristement abandonnée par les apôtres de la « libération » et de la démocratisation chaotique. Tout est ruine dans ce champ de désolation hanté par la violence jugée par le Conseil de sécurité « inacceptable » d'autant qu'elle est utilisée a des fins politiques. Ce qui rend légitime la menace de la CPI (Cour pénale internationale) de traduire en justice les responsables des attaques contre les civils et les biens publics. « Nous n'hésiterons pas à enquêter sur les crimes commis en Libye relevant de la compétence de la Cour et à en poursuivre les auteurs quel que soit leur statut officiel ou leur affiliation », a assuré, dans un communiqué, la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, qui s'appuie sur une résolution de l'ONU adoptée en février 2011. L'effet boomerang pèse sur la tête des nouveaux maîtres de la Libye, détenant à Zenten Seif El Islam et bataillant pour le jugement en Libye d'Al Senoussi débouté par la chambre d'appel de la CPI. La CPI qui a invité « toutes les parties à ce conflit à cesser de s'en prendre aux civils » estime qu'« elle est en droit d'exercer sa compétence à l'égard de tout acte de génocide, crime contre l'humanité ou crime de guerre commis sur le territoire libyen depuis le 15 février 2011 », a précisé la procureure Bensouda. En ultime recours, la justice internationale s'invite pour régenter la loi du plus fort.