C'est la première fois depuis le 10 décembre 1974, date de sa mort, que l'on songe à baptiser l'une des premières institutions de l'Algérie indépendante. Pourtant, il s'agit de l'homme qui n'a ménagé aucun effort pour hisser l'administration algérienne au rang d'institution. C'est le regret exprimé par ses compagnons, les deux anciens ministres de l'Intérieur, Dahou Ould Kablia et Yazid Zerhouni, et le directeur général des Archives nationales, Abdelmadjid Chikhi, lors d'une de la célébration du 40e anniversaire de sa mort, initiée par l'association Machâal Chahid au forum d'El Moudjahid. Tout en revisitant les moments forts et émouvants qu'il a partagés avec son camarade « si Hocine », Ould Kablia reconnaît en cette homme la rigueur, la justesse, la modernité et un attachement à la justice sociale, à la liberté. « Homme politique, Ahmed Medeghri, a, durant son passage à la tête du ministère de l'Intérieur, excellé dans sa mission de gestionnaire. Il était déterminé à faire de son département une véritable institution de l'Etat, conformément à sa vision de l'Etat national algérien malgré les contraintes qu'il a eu à subir au temps des présidents Ben Bella et Boumediene », a affirmé l'ex-ministre de l'intérieur. Selon les témoignages de ses compagnons de guerre, Medeghri comptera toujours parmi les rares responsables ayant tenu tête aux deux premiers présidents du pays concernant l'infiltration d'anciens officiers de l'ALN « seigneurs de la guerre » dans son département ministériel. Il ne tolérait aucune emprise sur son ministère. Un entêtement et une intransigeance qui lui ont valu l'exclusion de l'exécutif sous Ben Bella. Ce n'est qu'après le « redressement révolutionnaire du 19 juin 1965 » qu'il reprend ses fonctions à la tête du même département. Selon Ould Kablia, sa mission n'a guère été aisée étant donné les ambitions du président Houari Boumediene et les aspirations de Medeghri qui voulait faire du développement de l'administration et de la gestion locale son cheval de bataille Des efforts sanctionnés par la promulgation de la loi relative au statut général de la fonction publique, du code communal en 1967 et du code de wilaya en 1967. Il a conféré aux collectivités locales toutes les prérogatives pour la mise en œuvre de la politique de décentralisation et l'assainissement des finances. Autant de points positifs qui s'ajoutent au projet de création en 1973 de l'Ecole supérieure des cadres. Une école qui n'a pas vu le jour. Pourtant, le concours avait bel et bien eu lieu et les noms des 25 lauréats, dont, l'actuel premier ministre de l'intérieur, ont été annoncés. Mais selon Ould Kablia, Medeghri avait renoncé au projet suite à la décision du défunt Boumediene d'y introduire quelques membres du parti FLN. Une proposition rejetée par son ministre de l'Intérieur « qui a toujours aspiré à l'édification d'une administration au service du citoyen ». L'intervenant évoque les décisions ayant opposé les deux responsables. Il cite, entre autres, la révolution agraire instaurée par le président Boumediene et considérée par Medeghri comme une « décision excessive et exclusive qui repose sur la dépossession des Algériens de leurs terres ». Medeghri avait, selon l'intervenant, prédit, à l'époque, que l'Algérie, à travers la mise en œuvre de cette politique agraire, allait perdre trois atouts : le savoir-faire des agriculteurs, l'autosuffisance et la confiance des Algériens. Cette contestation qui s'est greffée à plusieurs autres a lourdement pesé sur cet homme qui s'est vu retirer plusieurs de ses prérogatives. L'invité du forum affirme que toutes les preuves réunies confirment que la mort d'Ahmed Medeghri est due à un suicide.