La coalition islamiste de l'Est, prenant la dénomination du Conseil de la choura des moudjahiddines, passe à la trappe de l'Etat islamique en Irak et en Syrie (EI, Daech). La transmutation du groupe Majlis Choura Chabab Al-islam en affidé de l'EI, issu en partie de la brigade El Battar et revendiquant une présence à Derna érigé en « émirat islamique », au sud et à Tripoli, concrétise l'allégeance bénie par le calife autoproclamé, Abu Bakr al-Baghdadi, dans son message du 13 novembre dernier. « C'est bien connu, assure cheikh Adel al-Faydi, le chef tribal de Jabal Lakhdar, non loin de Derna, et membre du Conseil de réconciliation nationale, l'Etat islamique est présent à Derna, ou du moins des groupes qui le soutiennent ». « Ils ont enlevé et assassiné plusieurs personnes au cours de ces trois derniers mois », atteste cheikh Adel Al-Faydi. Derna qui accueille régulièrement des combattants étrangers depuis 2011, pour y être entraînés avant d'être envoyés en Irak ou en Syrie, est devenue le fief des partisans du groupe extrémiste Etat islamique, selon des experts. Certains observateurs occidentaux la considèrent déjà comme la deuxième franchise d'EI en Afrique du Nord, après Ansar Beït al-Maqdess en Egypte. Dès le mois d'août dernier, était diffusée la vidéo d'une première exécution publique d'un Egyptien, accusé de meurtre, dans un stade de foot. Une exécution qui « concrétise les plus grandes peurs des Libyens ordinaires qui se retrouvent entre des groupes armés impitoyables et un Etat défaillant », avait alors écrit Amnesty International. Depuis, le Conseil de la choura de la jeunesse islamique, institué le 5 octobre, a émis d'autres images de châtiments corporels infligés à Derna où les assassinats ciblés, comme à Benghazi, sont réguliers. En dehors de la zone syro-irakienne de prédilection, Derna est donc la seule région administrée par l'EI dressant des camps d'entraînement, regroupant quelque 200 éléments, selon le général David Rodriguez, chef du commandement de l'armée américaine pour l'Afrique. Des manifestations de force sont légion. Avant même l'annonce de la création du Conseil de la choura des moudjahidine, un défilé a été organisé par les combattants de l'EI libyen disposant de blindés et paradant régulièrement à bord de pick-up lourdement armés. La montée en puissance a suscité de « sérieuses préoccupations » des Etas-Unis et de l'Union européenne particulièrement interpellés par la gravité de la situation en Libye dont ils partagent une responsabilité indéniable. Face au risque de désintégration, le front de la résistance incarné par l'alliance objective des forces loyales au général Khalifa Haftar et du gouvernement légal et légitime en exil d'Abdallah Al-Tahni impose la lutte sans merci contre le terrorisme et la loi des armes des milices régnant en maîtres absolus dans une Libye décomposée. Une nouvelle offensive a été de ce fait lancée, le 10 décembre, pour tenter de reprendre le contrôle de Derna tombée dans l'escarcelle de l'EI et la capitale militairement investie, en août, par la coalition de l'Aube de la Libye chassant les troupes de Zenten et poussant à l'exil le gouvernement et le parlement élu siégeant sur un ferry grec au large de Tobrouk. « Nos troupes avancent vers Tripoli pour la libérer », a déclaré le Premier ministre libyen à la chaîne de télévision Al Arabiya. Il a revendiqué la prise d'une localité à l'ouest de la capitale. De lourdes pertes sont également subies par les islamistes qui ont notamment reconnu la mort de neuf de leurs combattants (deux Egyptiens, cinq Tunisiens et deux Libyens) dans des attentats-suicides à Benghazi. En à peine un mois, la dernière offensive des forces du général Haftar, conclue le 15 octobre dernier, a déjà fait au moins 340 morts. Mais, les combats continuent de faire rage à Benghazi, à Derna et au sud (Sabha et Ubari), provoquant l'afflux massif des populations vers l'intérieur du pays complètement dévasté et vivant des pénuries de carburant, d'électricité, d'eau et une flambée des prix des produits alimentaires de base. Le drame libyen, marquant indubitablement l'échec du « printemps arabe », souffre de l'impasse en quête de solution consensuelle que fondent les espoirs de médiation onusienne menée par l'envoyé spécial Bernardino Leon repoussant à la semaine prochaine, à son corps défendant, les retrouvailles des belligérants.