Les forces paramilitaires du général libyen à la retraite Khalifa Haftar, qui défendent depuis plusieurs semaines l'aéroport de Benghazi, leur dernier bastion depuis qu'elles ont perdu fin juillet les principales bases militaires dans cette ville, ont lancé, hier matin, une offensive contre le Conseil de la choura des révolutionnaires de Benghazi, une coalition de milices dont celles d'Ansar Acharia, une organisation classée terroriste par les Américains et commandée par Mohamed al-Zehawi. « Objectif, dit-il dans une intervention mardi soir sur Libya Awalan, une chaîne de télévision privée, libérer Benghazi qui est tombée en juillet dernier entre les mains des groupes terroristes avant de libérer d'autres villes. » Haftar, qui dit commander l'Armée nationale libyenne (auto-déclarée), a lancé, mais en vain, plusieurs opérations, dont celle de mai dernier qu'il a fort médiatisée. Réussira-t-il cette fois ? « Les heures et les jours à venir seront très difficiles mais nécessaires pour rétablir l'ordre et la sécurité », a déclaré le général Haftar, 71 ans, invitant ses compatriotes à apporter une aide à ses hommes de l'opération « Dignité » qui, dès la fin des hostilités, retourneront à leurs bases sous le commandement de l'armée nationale. Et de poursuivre : « Dès la libération de Benghazi, une étape stratégique, la plus importante dans la bataille de l'armée contre le terrorisme dans toute la Libye, la vie reprendra ses droits en rouvrant les écoles, universités, aéroports et ports. » Selon des témoins cités par des agences de presse, des chars de « l'opération de la Dignité » ont lancé, hier matin, un assaut contre la Brigade du 17 février. Des avions du général ont mené, selon ces témoins, des raids contre le quartier général de cette milice situé à l'ouest de la ville. Un de ses porte-parole a appelé, hier, les jeunes de Benghazi, qui souffrent quotidiennement des combats meurtriers qui opposent les deux camps (plus de 50 morts la semaine passée, dont 7 soldats, dans l'explosion d'une voiture piégée aux alentours de l'aéroport), à sécuriser leurs quartiers et à ne pas permettre aux partisans d'Ansar Acharia d'y accéder. « Les forces du général sont en route », leur dit-il. Et Tripoli ? Haftar a affirmé, à maintes reprises, qu'il mettra fin à sa carrière militaire dès la libération de Benghazi. Autrement dit, le devenir de Tripoli, d'où le secrétaire général de l'ONU a appelé samedi dernier à cesser les hostilités afin de booster le dialogue national lancé en septembre à Ghadamès, ne l'intéresse pas. Même si le gouvernement d'Abdallah al-Theni et le Parlement reconnus par la communauté internationale continuent à « vivre » en exil à Tobrouk, à l'extrême-est du pays pour éviter les affres des milices de la coalition Fajr Libya. « Sans un arrêt immédiat des affrontements et sans le rétablissement d'une paix durable, prospérité et vie meilleure seront un rêve lointain », a indiqué Ban Ki-moon après avoir relevé l'importance de l'initiative algérienne dans le règlement de la crise libyenne à travers un dialogue interlibyen inclusif. Outre le chaos et les violences, la Libye est en proie à une anarchie institutionnelle sans précédent, avec deux gouvernements et deux parlements concurrents se disputant la légitimité politique. « Si les parties en conflit campent sur leurs positions, cela ouvrira la voie à l'organisation autoproclamée Etat islamique (Daech) qui est déjà opérationnel en Libye », prévient Bernardino Leon, le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU en Libye. Des médias locaux ont fait état de la « création par Daech d'une base permanente en Libye comme siège de sa branche en Afrique du Nord ». Lundi dernier, un groupe d'hommes armés a défilé dans la ville de Derna, brandissant des drapeaux de l'organisation à laquelle ils ont prêté allégeance. L'armée a apporté son soutien à cette offensive qui s'est soldée par 12 morts.