Dans le cadre du 7e Festival de la chanson et de la musique amazighes, la salle de conférence de la bibliothèque communale de Tamanrasset a abrité une conférence-débat animée par Aïssa Boudraa, chercheur et spécialiste en patrimoine de la chanson traditionnelle chaouie, et le docteur en anthropologie, Badi Dida. Les deux conférenciers ont tenté, chacun dans son domaine, de mesurer l'étendue des chansons chaouie, touareg ainsi que l'imzad. « Le patrimoine culturel de la langue chaouie n'a pas fait l'objet d'étude sérieuse. Cette situation a plusieurs causes. Une des raisons est que la région des Aurès est mal connue. Néanmoins, quelques rares chercheurs en littérature amazigh ont pu élaborer des documents qui rassemblent quelques extraits de contes oraux. Seul Gustave Mercier a recensé quelques écrits sur le patrimoine les Chaouia des Aurès en 1886 et 1900. Peu d'écrivains ont écrit sur la chanson traditionnelle chaouie, on peut citer Gustave Mercier et Mohamed Nadir Sebaa. De ce fait, il est difficile de faire une fixation car on ne dispose pas d'une riche bibliographie. En effectuant des recherches dans les œuvres des deux auteurs, on constate que la chanson traditionnelle des Aurès exprime des expériences de la vie et véhicule ce vécu à travers le temps », a expliqué Aïssa Boudraa tout en s'étalant sur les genres de chanson très anciens qui ont défié la modernité pour survivre jusqu'à aujourd'hui. Dans ce contexte, on peut citer le Sraoui, El Moual et El Rahbi (chaoui), El Medjani (Bordj Bou-Arréridj), la chanson religieuse et la chanson révolutionnaire. Il y a aussi Ellir, un style qu'affectionnait le regretté Noureddine Staifi. D'après les chercheurs, le patrimoine de la chanson chaouie recèle de très anciennes chansons. L'exemple le plus édifiant est la chanson intitulée « Hadda lalla » qui remonte à la période des Vandales. Une autre chanson, dont le refrain est très connu du public algérien et intitulée « Lahoua oudhrar », remonte à l'époque ottomane », a-t-on relevé lors des interventions de Boudraa. Pour sa part, Badi Dida, chercheur spécialiste du patrimoine touareg et de l'imzad, a fait savoir qu'il ne s'agit pas d'une conférence académique mais d'une intervention pédagogique. Concernant l'intitulé de la conférence-débat, l'auteur du livre « L'imzad, une musique millénaire », a expliqué l'impossibilité de fixer tout le patrimoine de l'Imzad car il s'agit d'une dynamique qui narre les périodes. « En 1994, dit-elle, des recherches sur le terrain, effectuées par des spécialistes en anthropologie, ont démontré que la pratique de l'Imzad ou de la musique touareg était en train de diminuer en raison de la sédentarisation et aussi du fait qu'il n'est pas une musique de rébellion ». Ce constat nous a contraints, poursuit Badi Dida, à « réfléchir et à fixer le patrimoine avec la création de deux écoles pour l'apprentissage de l'imzad dans son contexte traditionnel, c'est-à-dire dans son décor naturel ». Un jury, composé d'Ikhoulen, de Tarza et du regretté Ahmed Djakar, a été mis en place afin de choisir les meilleures joueuses de l'imzad. Ces dernières inculqueront à leur tour l'imzad aux générations futures. Deux ateliers de formation ont été mis en place, encadrés par d'anciennes de l'imzad à l'image de Chetima, Chemma et Aïcha, afin d'initier les filles à l'imzad dans son contexte traditionnel. Cette expérience, selon la conférencière, a été fructueuse puisque « 41 styles de l'imzad ont été enregistrés ». Ces travaux ont conclu que toute composition musicale a son texte, sa période et son lieu et correspond à son environnement social. L'aspect grammatical doit être conforme à la composition musicale. Il y a aussi l'imzad sans texte qui est considéré comme étant le plus ancien. L'autre conclusion souligne que « toute composition a sa propre histoire déduite du texte, de son entourage social et de son lieu. D'ailleurs, on raconte que la genèse d'imzad serait une femme qui aurait surgi en pleine guerre. Et en jouant de l'imzad aux soldats des deux camps adverses, elle serait parvenue à les pacifier tout en imposant le respect de la femme aux hommes ». Ces travaux ont permis donc la « réhabilitation et la fixation de l'imzad avec au bout sa reconnaissance par l'Unesco ». « Il y a aussi une publication intitulée « L'imzad, une musique millénaire » et probablement un film sur l'ancrage du patrimoine de l'imzad et de la musique touareg », a affirmé Badi Dida.