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La culture populaire, un pont entre le passé et l'avenir
Selon le socio-anthropologue Rahoui Houcine
Publié dans La Tribune le 04 - 09 - 2011

De notre correspondante à Tlemcen
Amira Bensabeur
Selon le docteur Rahoui Houcine, socio-anthropologue et maître de conférences au département des arts de l'université Aboubekr Belkaïd de Tlemcen, la montée en puissance du tourisme culturel, mais aussi écologique, est l'un des exemples pertinents qui remettent la question du patrimoine culturel au-devant de la scène du présent comme valeur d'usage, sans cesse renouvelée et revalorisée, insérée au quotidien et liée aux fluctuations de l'économie de marché.Ainsi, le patrimoine culturel constitué par les chants et musiques touarègues n'est pas comparable à une curiosité de musée que l'on visite à l'occasion ou durant des évènements spécifiques, mais c'est une pièce maîtresse d'ancrage au passé et à la mémoire collective d'un peuple, d'une nation et un moyen sûr pour atteindre les rives du futur, indiquera-t-il. «Les chants et musiques touarègues, alimentés par des poèmes et agrémentés par des rituels aux thèmes riches et variés, contiennent les deux composantes complémentaires du patrimoine culturel, à savoir la composante immatérielle constituée par les textes, les poèmes, thématiques et formes d'expressions corporelles qui leur sont adjointes éventuellement (processions, danses et mouvements chorégraphiques), et la composante matérielle constituée par les instruments de musique et divers accessoires d'accompagnement, tels que les habits, les accoutrements, les parures et les armes de parade et d'expression qui sont autant d'éléments de décor et de compositions scénographiques», expliquera le spécialiste. C'est pourquoi la question du patrimoine qui commence à faire l'objet de recherches spécialisées, non seulement dans les domaines traditionnels de l'histoire et de la littérature, mais aussi des arts et de la culture populaire pour extirper la valeur intrinsèque de l'objet étudié et de la socio-anthropologie, pour déchiffrer les autres valeurs et significations de la culture touarègue, est une autre manière d'entretenir les racines pour protéger l'arbre, ajoutera le socio-anthropologue.
Identité versus mondialisation
La mondialisation effrénée des systèmes de production, d'échange et de communications multiformes et leur impact aux niveaux économique, social et culturel, laissent planer des inquiétudes et des craintes multiples, indiquera le docteur Rahoui. Parmi ces dernières, il y a le risque de perte de l'identité culturelle locale et régionale au détriment d'un modèle de pensée, de production et de consommation uniformisé, voire standardisé. «C'est pourquoi il est impératif de mieux prendre conscience de soi-même et développer la capacité de creuser dans le terroir et de rénover, et/ou recycler, ce qui ne peut s'intégrer de lui-même dans le processus irréversible de l'évolution globale de la société humaine, au niveau planétaire. Dans cette perspective, nous estimons que les chants et musiques touarègues requièrent une importance capitale dans le maintien du fil conducteur entre l'Histoire et la société», dira l'universitaire.Evoquant la dimension sociohistorique et culturelle des chants et musiques touarègues, le docteur Rahoui précise qu'en tant qu'expressions littéraires et artistiques, à caractère éminemment social et culturel, les chants et musiques touaregs constituent, parmi tant d'autres expressions et manifestations non moins importantes, une projection matérialisée des idées et pratiques sociales. Et, à ce titre, elles nous renseignent sur l'Histoire vécue et en cours des Touaregs ; de leurs modes de vie différenciés, leurs espoirs, joies et plaintes. «L'intérêt scientifique à la culture et l'art touaregs en Algérie, même s'il semble réduit actuellement à quelques spécialistes nationaux, ne date pas d'aujourd'hui et ne se limite pas aux frontières politiques et administratives de l'Algérie contemporaine, mais s'étend invariablement sur les vastes espaces subsahariens, et ce, depuis la nuit des temps, au regard des traces matérielles et recueils immatériels que les archéologues, militaires, missionnaires et voyageurs de tous bords ont mis au jour et en relief», indiquera notre interlocuteur.A titre d'exemple, il citera le travail remarquable d'un orientaliste hors du commun. Il s'agit de Charles de Foucauld, connu aussi sous le nom, non moins célèbre, de Père de Foucauld, dont l'ermitage est un lieu encore visité de nos jours. Mais aussi d'une chercheuse algérienne, Nadia Mécheri-Saâda. A cela s'ajoute le recueil de Charles de Foucauld en deux volumes, intitulé les Chants touaregs, dont le premier est paru en 1925 et le second en 1930, après la mort de leur auteur, qui ont été introduits par Dominique Casajus. Quant à leur publication, elle a été assurée par André Basset. «Ce recueil, fruit d'un dur et patient labeur de collecte, de classification et de traduction mené inlassablement durant une douzaine d'années (1904-1916), présente pas moins de 575 pièces (poèmes et fragments de poèmes) totalisant 5 670 vers, référant à 274 poètes recensés. De plus, chaque poésie est accompagnée d'annotations diverses et d'une introduction précisant le contexte dans lequel elle a été composée. Certains de ces textes poétiques sont de remarquables documents historiques et ethnographiques, qui nous renseignent sur les évènements et us de la société targuie. Axés sur la collecte de chants et poèmes transmis oralement, ces textes ont également une valeur littéraire et linguistique indéniable», explique-t-il. «Bien sûr, au-delà de l'émerveillement connu (et attendu) de l'orientaliste et à sa propension au développement et à l'exaltation du caractère exotique de la culture targuie ; émerveillement et exotisme, entretenus et instrumentalisés pour occulter certaines réalités immuables, à des fins de domination, il n'en demeure pas moins que les collectes des données réalisées à cette période sont importantes. Cependant, il est nécessaire de réinterpréter les données existantes à la lumière des nouveaux contextes postcoloniaux. Ainsi, parmi les contributions nationales post-indépendantes, il y a lieu de relever le travail de recherche remarquable mené par Nadia Mécheri-Saâda et édité, par deux fois, en 1994 et en 2000, sous le titre générique Musique touarègue de l'Ahaggar», ajoutera le docteur Rahoui.
Dans cet ouvrage, l'auteur dévoile, à travers l'étude de la musique du terroir – de ses répertoires, thématiques et modes de transmission – tout un pan de la société targuie de l'Ahaggar (Hoggar), du début du siècle dernier à l'ère post-indépendante. Comme elle nomme et décrit les instruments magiques à cordes et à percussions, ainsi que des ambiances féeriques que la musique et chants touaregs font régner. Par-delà, notera-t-il, l'étude de la musique, cette recherche contribue immanquablement à la sauvegarde d'une partie, non négligeable et intime, de la mémoire collective algérienne. «Il y a lieu, aussi, de rendre hommage à notre collègue et ami Dida Badi, qui est l'auteur de plusieurs études, articles et ouvrages sur la culture de l'Ahaggar, en général, et targuie en particulier. Et là nous citons en substance les Régions de l'Ahaggar et du Tassili N'Ajjer : réalité d'un mythe. Et Imzad, une musique millénaire de l'Algérie.» Concernant l'avenir et le devenir des chants et musique touaregs, le docteur Rahoui indique que ce patrimoine national constitué par les chants et musiques touaregs qui a longtemps été nourri par la mobilité des Touaregs sur des espaces géographiques supranationaux, au contact d'autres «hommes bleus» et sédentaires des pays du Sahel, et qui en a fait un patrimoine vivant au quotidien, risque avec le processus de sédentarisation, que les niveaux de confort relatifs et les moyens de communication et de transport ont nivelé, de connaître un net ralentissement ou un processus d'extinction à long terme.
Par ailleurs, l'influence des cultures régionales (Mali, Niger, etc.) où plusieurs genres musicaux mêlent poètes, chanteurs et griots, styles de rythms and blues, Sahara blues, mais aussi instruments traditionnels (tindi, imzad) aux instruments modernes, risque de confondre le bon grain et l'ivraie dans une cacophonie où il serait difficile de distinguer l'art créatif du folklore mimé, imité et où les modes et vagues l'emporteraient sur les genres musicaux originaux et authentiques. En outre, il y a aussi l'introduction de nouveaux instruments hybrides et modernes comme ce fut le cas pour la musique andalouse, ou mieux encore la musique du raï, qui est le fait d'Occidentaux amoureux de ce genre musical, mais aussi de professionnels chevronnés découvrant un filon prometteur à exploiter économiquement.«Cependant, l'émerveillement et l'interprétation des néophytes et professionnels occidentaux sont loin de comprendre et de rendre compte fidèlement des liens indéfectibles entre les fondements socioculturels de la musique et chants targuis et la société qui en est productrice. La musique touarègue est une musique hypnotique et aux accents de musique primitive, le rythme ressemble à la musique berbère. Elle est parfois associée à l'heure du thé, accompagnée des claquements de main ou de percussions. Les femmes et les hommes chantent, ensemble ou seuls.»Ce genre de définition et de qualification ne traduit souvent que les impressions personnelles de leurs auteurs sur les grands espaces, les femmes ou la vie des communautés. Les textes sont définis comme simples et poétiques. Malheureusement, ils confondent souvent simplicité et simplisme. «C'est pourquoi il est nécessaire de dé-orientaliser, voire décoloniser le patrimoine targui qui est travesti dans les grandes métropoles occidentales, particulièrement lors des manifestations à caractère académique et culturel, et des festivals, souvent, à travers de jeunes talents émigrés en quête de célébrité et de réussite et qui sont captés par des recruteurs de tous bords», recommande l'universitaire.
Donc, pour arriver à protéger ce legs, le docteur Rahoui considère que décoloniser l'approche occidentale, ou occidentalisée, de la musique targuie ne signifie pas la couver. Il s'agit en fait de lui donner les moyens de sa propre sauvegarde par une meilleure prise en charge au niveau académique, mais aussi par une vulgarisation de ses moyens d'expression et thématiques, de faire la différence entre patrimoine national et patrimoine régional, voire patrimoine de l'humanité afin de mettre en exergue la notion d'identité culturelle nationale. «Ceci pourrait être rendu possible par la mise en place d'un observatoire des arts et cultures populaires, qui aurait pour mission prioritaire, entre autres, de faire l'inventaire des poèmes, chants et musiques, éparpillées, pour la plupart transmis oralement, mais aussi, des genres et styles qui risquent de disparaître à jamais. Les études, aussi bien monographiques qu'académiques, devraient se pencher aussi sur les danses, rituels et ambiances accompagnant et complétant les tableaux des chants et musiques targuies», préconisera l'universitaire.En conclusion, le docteur Rahoui Houcine tiendra à préciser qu'il ne faut pas muséifier le patrimoine, ni le figer comme un miroir aux alouettes, représentant le passé, mais il faut en faire un élément positif d'enrichissement culturel et d'attraction touristique inscrits dans l'esprit d'un développement durable et un créneau économique porteur de signification socioculturelle et de richesses multiples intégrées dans le schéma de développement économique et social national. «Et, comme a dit, à juste titre, Jean Jaurès, ‘‘la tradition ne signifie pas conserver des cendres mais garder la flamme toujours allumée''», dira-t-il.


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