Un monde des plus impressionnants est venu assister au baisser de rideau sur le 9e Festivalgérie. L'affluence était telle que les travées et les allées étaient occupées par les mélomanes. Le coup d'envoi de la soirée a été donné par l'Ensemble national algérien de musique andalouse (Enama). Cet établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), placé sous la tutelle du ministère de la Culture, a pour mission de préserver, de sauvegarder et de vulgariser le patrimoine de la musique andalouse en Algérie. Durant plus de deux heures, Samir Boukridira, à la direction artistique de l'Enama, et les 30 instrumentistes issus des trois écoles de Tlemcen, d'Alger et de Constantine ont ravi le public avec un programme représentant les trois régions. Noubet Raml El Aachiya de Tlemcen a constitué la première partie du récital avec, notamment, les belles prouesses vocales de Adnane Ferdedhab et El Hadi Sefraoui qui ont offert aux mélomanes présents un florilège de pièces dans le registre Gharnati. Noubet H'Sine de l'Ecole d'Alger a ensuite été entonnée, laissant intervenir, en solo, Lamia Madini, à la voix suave, et le maître Mokdad Zerrouk au ton serein et pur. La troisième et dernière partie de la cérémonie de clôture a été consacrée au Malouf et à la région de Constantine, avec l'exécution concluante de Noubet Dhil et les interprétations remarquées de Abbas Righi, Malek Chelloug et Larbi Ghazel. Les trois parties au programme ont dû être présentées sans les M'Seddar », premier mouvement d'une Nouba qui se démarque des autres par sa lenteur rythmique et sa longueur poétique. L'Enama est l'une des expériences les plus novatrices et les plus audacieuses dans le domaine de la musique classique algérienne. Sa particularité est de rassembler, dans une même formation, des musiciens issus des trois écoles présentes en Algérie, à savoir El Gharnati de Tlemcen, Es-Sanaa d'Alger et le Malouf de Constantine. Trois écoles qu'on disait complètement différentes et se réclamant respectivement de Grenade, de Cordoue et de Séville. La musique jouée par L'Enama transcende les clivages traditionnels pour aboutir à la substance de la musique andalouse. Le pari n'est ni plus ni moins de faire de la Nouba algérienne une musique universelle, de dépasser le paradigme de la conservation, par ailleurs nécessaire, afin de revenir à une réelle pratique artistique basée sur un socle théorique cohérent. En effet, l'équilibre et l'homogénéité qui caractérisent l'Ensemble national de musique andalouse ne sont obtenus qu'au prix d'une longue recherche musicologique en amont ainsi que d'une profonde connaissance de la musique arabo-andalouse et, surtout, grâce aux musiciens talentueux qui le composent. En marge de cette soirée, le Festivalgérie a tenu à remettre deux prix d'encouragements à deux lauréats du concours national sur le violon alto concernant les écoles Es Sanaa d'Alger, Gharnati de Tlemcen et Malouf de Constantine. Il s'agit de deux jeunes venus de Blida, à savoir Ilhem Maâlmi et Mounir Miri. Emus par cette consécration, ils déclarent, à l'unisson : « Nous sommes très heureux de recevoir ces distinctions, cela nous encourage à croire davantage en nos potentialités. » Aïssa Rahmaoui, commissaire de ce festival, se déclare satisfait. « Nous pouvons affirmer que l'édition de cette année a tenu toutes ses promesses. Nous ambitionnons, pour la prochaine édition, d'organiser ce festival en dehors de la salle Ibn Zeydoun, vu que la salle n'a pas pu contenir toute l'assistance qui affluait chaque soir. Une démarche qui fera profiter d'autres publics. Il faut le dire, cette manifestation ne saurait exister sans la présence du public. « Le Festival international est un heureux événement, à juste titre, puisqu'il permet de renouer et de tisser des liens d'amitié et de fraternité durables avec les peuples à travers leur culture aux fins d'échanges fructueux entre les artistes et les musiciens. Festivalgérie se veut donc un lien où chacun s'enrichit de la culture de l'autre, où chacun prend conscience du fabuleux trésor qu'il doit à l'autre. C'est également un lieu où le langage universel prend son sens et son envol au-delà de ses limites.