L'Algérie est confrontée aujourd'hui à de nouveaux défis énergétiques et économiques nécessitant une profonde transition. Sur cela, les avis des experts sont unanimes. Hier, lors d'un colloque organisé, à Alger, sur les nouveaux modèles de croissance et problématiques (2015-2030), à l'initiative du club énergie de l'association des ingénieurs d'Etat et diplômés de l'Institut algérien du pétrole, les experts sont revenus sur cette transition suite aux grandes mutations énergétiques et économiques mondiales, aboutissant notamment à la chute des prix du pétrole. D'autant plus qu'à court terme, selon Aït Laoussine, consultant à Sonatrach, une autre chute des cours de pétrole est fort probable vu que les stocks mondiaux en cette énergie n'ont jamais été aussi bien pourvus. Et ce, même si à moyen terme, la production pétrolière va continuer tant que les prix seront au-dessus des cours opératoires. « La chute des prix a fait perdre aux pays producteurs 75 milliards de dollars de revenus des exportations. Le marché pétrolier dépend aujourd'hui des marchés financiers et des spéculateurs et donc, il est sujet à une plus grande volatilité. De ce fait, l'Opep a perdu sa fonction originelle et même si la production continue, il n'y a plus de contrôle sur les revenus des exportations », explique-t-il, constatant qu'il y a un grand décalage entre la chute des prix du pétrole et son impact sur la consommation. L'Algérie ne fait pas exception. Comme les autres pays du monde, selon lui, elle tarde à réagir et à s'adapter aux nouvelles émancipations du marché. Voici la situation énergétique dans notre pays, d'après Sid Ahmed Beghdadai, ingénieur et géologue : la production d'hydrocarbure a diminué de 25% alors que les exportations ont baissé de 29%. Cette décroissance démontre, selon lui, un déclin des gisements fossiles au moment où la hausse de la consommation énergétique interne conduit à une réduction des exportations. « D'ici à 2020, le déclin des énergies fossiles sera plus que probable et vu la croissance de la consommation interne, il est fort possible qu'on puisera dans nos réserves naturelles », estime-t-il. Certes, toujours d'après lui, les nouveautés énergétiques testées par l'USA notamment, telles que le tight oil et le gaz de schiste, pourraient faire partie de notre mix énergétique, mais cela pourrait retarder la mise en œuvre du programme des énergies renouvelables et renforcer notre dépendance aux hydrocarbures conventionnels. « Un changement dans nos modes de croissance s'impose. Mais lequel ? On continuera certes à produire du pétrole mais à faible débit. Devrions persister dans l'ère du pétrole en déclin ? », s'interroge-t-il. L'économiste Rabah Abdelatif, pour sa part, se demande si l'Algérie devrait, pour passer la transition, aller vers une approche fragmentaire ou vers une approche globale et si notre pays ne devrait pas agir sur les symptômes de la situation que nous vivons plutôt que sur les causes. « Le passage aux nouveaux modes de croissance passe par des ruptures et par des choix stratégiques. Il y a des problèmes à régler en amont liés aux facteurs des tarifs, des fiscalités...On ne peut éluder le problème de la mise en question des choix implicites qui ont conduit aux déséquilibres actuels », soutient-il, se disant favorable à une régulation des tarifs de l'énergie, de l'électricité notamment, d'autant plus qu'elle touche beaucoup plus l'industrie que les ménages. La consommation de l'énergie dans l'industrie est en déclin en fait, alors que la consommation des ménages est en hausse (35% contre 25% en 1980) et celle des transports est en explosion. A propos du transport, l'expert déplore l'utilisation de seulement 4% de GPL alors que c'est le carburant le moins cher et disponible localement tandis que l'essence que nous importons est utilisée à plus de 60%. « Si on veut faire de bonnes économies, il faut éviter les mauvaises économies et annuler les projets routiers en matière de transport des personnes et des marchandises car la route consomme beaucoup d'énergie », avertit-il. Il a fait savoir toutefois que même si la consommation interne est en hausse, l'Algérien reste un consommateur moyen en termes d'énergie dans le monde, une marque naturelle des pays non industrialisés. L'alternative ? L'expert en pétrole, Tawfik Hasni, insiste sur les énergies renouvelables. « C'est dans nos moyens », assure-t-il. Car non seulement, l'Algérie a les capacités énergétiques mais en outre, la production coûtera la moitié que cela coûte aux autres pays à cause du taux très élevé des irradiations dans notre pays. « Le coût de financement de nos projets renouvelables est proche de 4% contre 10 à 17% dans les autres pays », conclut-il.