Monsieur le ministre d'Etat, l'Algérie accueille, la semaine prochaine, la 32e session du Conseil des ministres arabes de l'Intérieur. A cette occasion, pouvez-vous nous faire part de votre appréciation de la coopération sécuritaire entre les Etats arabes aujourd'hui et pensez-vous qu'elle a atteint ses objectifs ? On ne peut pas ignorer les efforts arabes en matière de renforcement de leur coopération sécuritaire au regard des grandes avancées qu'elle a connues dans le cadre du Conseil des ministres arabes de l'Intérieur. En effet, elle a enregistré, depuis la création de cette instance sécuritaire arabe en 1982, beaucoup de réalisations, commençant par la stratégie sécuritaire arabe qui constitue le cadre général de la coopération arabe en matière de lutte contre la criminalité sous toutes ses formes, jusqu'aux stratégies particulières propres à chaque forme de criminalité, aux lois types et les nomenclatures, ainsi que les conventions multilatérales conclues entre les Etats arabes, élaborées en relation avec le Conseil des ministres arabes de la Justice, notamment celle relative à la lutte contre le terrorisme de 1998 qui constitue un modèle de coopération entre les pays arabes dans le domaine sécuritaire, nonobstant les conventions relatives à la lutte contre les différentes formes de crime organisé qui ont été signées au Caire en décembre 2010, et qui constituent effectivement de grandes réalisations. Toutefois, toutes ces réalisations, malgré leur importance, nécessitent de l'efficience dans leur mise en œuvre, vu que le crime organisé transnational, y compris le terrorisme, constitue le plus grand défi qui se pose aujourd'hui dans le contexte de la mondialisation, de l'ouverture économique, de la libre circulation des personnes et de la fluidité des modes de communication. De ce fait, il est impératif de raffermir la coopération sécuritaire interarabe, car aucun Etat, quelle que soit sa force ou sa richesse, ne peut lutter seul contre cette forme de criminalité. Ceci appelle donc à la mise en place de cadres juridiques et des mécanismes nouveaux, en complément à ceux déjà existants, aptes à renforcer l'échange, souple et efficace, des informations, de l'expertise et des expériences dans les domaines de la formation et de l'entraînement, notamment concernant les formes actuelles de criminalité. Tout cela constituera, sans doute, l'objet des discussions de cette 32e session qui sera abritée à Alger la semaine prochaine et qui se déroulera dans un contexte arabe particulier, qui appelle à plus d'efforts de coopération arabe dans les différents domaines de l'action sécuritaire pour faire face aux mutations et aux évènements sur les scènes régionale et internationale et plus spécialement les menaces sécuritaires actuelles et à leur tête le phénomène du terrorisme. La session d'Alger constituera, pour les ministres arabes de l'Intérieur, une opportunité pour évaluer tout ce qui a été réalisé dans le domaine de la coopération sécuritaire et toutes les stratégies et tous les plans sécuritaires, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, et aussi de rechercher de nouveaux mécanismes adaptés à la lutte contre la criminalité sous ses diverses formes, particulièrement le crime organisé, et de prospecter également de nouvelles voies pour affronter efficacement le terrorisme, le circonscrire et tarir les sources de son financement. Comment évaluez-vous, Monsieur le ministre d'Etat, la coopération et la coordination entre les pays arabes dans les domaines de la lutte contre le trafic de drogue, de l'émigration clandestine, du crime organisé ? Les Etats arabes ont une parfaite conscience des grands risques que représente le phénomène de la drogue, qui est devenu aujourd'hui l'un des plus grands risques auxquels sont confrontés autant la communauté internationale que les pays arabes, notamment du fait de son interconnexion avec les autres types de crime organisé, qui ne sont pas de moindre danger, tels que le terrorisme et son financement, la contrebande et le blanchiment d'argent. Dans ce cadre, le secrétariat général du Conseil des ministres arabes de l'Intérieur et son Bureau spécialisé dans les affaires de drogue ont pris une série de mesures pour la lutte contre ce fléau et sa réduction en renforçant la coopération et en augmentant le niveau de coordination dans ce domaine, de sorte à ce que ce phénomène soit affronté de façon commune et globale, dans les limites des lois et règlements nationaux propres à chaque Etat. Par ailleurs, et nonobstant la création de banques de données et de fichiers, l'émission de listes noires des bandes de trafiquants de drogue et la diffusion d'avis de recherche concernant les personnes impliquées ou condamnées dans des affaires de drogue, les Etats arabes ont adopté, à travers le Conseil des ministres arabes de l'Intérieur et son secrétariat général, nombre de mécanismes à même de permettre la lutte contre ce fléau, tels que la stratégie arabe de lutte contre l'usage illicite des drogues et des psychotropes et les plans périodiques de sa mise en œuvre, la convention arabe de 1994 pour la lutte contre le trafic illicite des stupéfiants et des psychotropes, la législation arabe, unifiée type, des drogues, le plan de communication et de publication relatives à la drogue ainsi que le glossaire arabe des drogues et psychotropes. S'agissant de l'émigration illégale ou clandestine, il est admis que ce phénomène est devenu aujourd'hui une réelle préoccupation pour beaucoup de pays, du fait surtout de son interconnexion avec les autres formes de criminalité tels que le trafic d'armes, la drogue et la traite des humains. Cependant, si les pays arabes sont confrontés à la croissance de l'émigration illégale au même titre que beaucoup d'autres pays et qu'ils œuvrent à la lutte contre ce phénomène au plan intérieur, à travers des mécanismes nationaux propres et dans le cadre de ceux mis en œuvre par le secrétariat général du Conseil des ministres arabes de l'Intérieur, ils restent conscients que les solutions sécuritaires ne sont pas suffisantes à elles seules pour combattre ce phénomène, car il s'agit-là d'un problème humanitaire qui peut prendre des proportions graves s'il n'est pas pris en charge avec le plus grand intérêt par la communauté internationale à travers une coopération internationale efficace et dans le cadre d'une démarche globale, soutenue par des dispositions opérationnelles à même de maintenir les populations concernées dans leur pays d'origine, notamment celles visant à trouver des solutions aux causes qui sont à l'origine de ce phénomène, notamment l'éradication des foyers de misère, de pauvreté et de conflits dans les pays concernés. Concernant le dernier volet de votre question relatif au crime organisé, je voudrais souligner qu'il existe une coopération arabe de lutte contre cette forme de criminalité à travers des stratégies arabes communes et des plans périodiques de leur mise en œuvre et également à travers des conventions sécuritaires et judiciaires telles que la convention arabe pour la lutte contre le crime organisé transnational, la convention arabe pour la lutte contre la corruption, la convention arabe contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme et la convention arabe pour la lutte contre la cybercriminalité. Justement au sujet de la cybercriminalité, quelles sont, Monsieur le ministre d'Etat, les mesures prises, aux plans arabe et national, pour lutter contre cette nouvelle forme de criminalité qui a connu un développement considérable ces dernières années ? En effet, cette forme de criminalité tend à prendre de l'ampleur car les systèmes d'information sont devenus des moyens auxquels recourent les groupes criminels dans leurs activités destructrices et en particulier les groupes terroristes qui utilisent aujourd'hui Internet et les réseaux sociaux dans leurs communications, leur entraînement aux actions terroristes et de fabrication d'engins explosifs, dans le trafic de drogue, le détournement de fonds et le blanchiment d'argent et dans la propagande pour actes de violence et de terrorisme contre des innocents. Tout ceci a nécessité la mise en place d'une coopération arabe efficace dans le domaine de la prévention et de la lutte contre ces actes ; ce qui a été entrepris par l'adoption de la convention arabe de lutte contre la cybercriminalité, en coordination et avec la coopération du Conseil des ministres arabes de la Justice et qui englobe une série de mesures juridiques et judiciaires importantes, ainsi que l'adoption d'une stratégie arabe en matière de cybercriminalité qui a été élaborée après des années d'études et d'approfondissement et qui constitue aujourd'hui un mécanisme important dans la lutte contre ce phénomène qui a pris une ampleur sensible ces dernières années, comme nous l'avons souligné, et qui constitue une sérieuse menace sur les systèmes d'information de nos pays et sur leur sécurité intérieure. Par ailleurs, la cybercriminalité a été consacrée comme l'une des formes de crime organisé par la convention arabe de lutte contre le crime organisé transnational de 2010. Consciente de la menace que représente cette forme de criminalité et de la nécessité de lutter contre elle avec détermination, l'Algérie a promulgué une loi spécifique qui met en place l'ensemble des règles de prévention et de lutte contre les crimes liés aux technologies de l'information et de la communication qui commence à donner ses fruits sur le terrain, comme elle a pris un texte de loi portant sur les droits d'auteur et droits voisins, et elle a également introduit dans le code pénal et le code des procédures pénales des dispositions portant sur l'atteinte aux systèmes d'information. Ceci sur le plan législatif. Quant au plan opérationnel et dans le cadre de la lutte contre ce type de crime organisé, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a créé une cellule centrale de lutte contre la cybercriminalité, disposant de spécialistes de haut niveau, et 48 cellules locales au niveau de l'ensemble des wilayas du pays. Comme elle a créé également au niveau du laboratoire central de la police scientifique, à Alger, et des laboratoires régionaux, des départements des preuves informatiques, ce qui a permis à ces laboratoires de traiter avec succès, ces dernières années, diverses affaires liées à ce type de criminalité. Il a été accordé, également, un intérêt particulier à la formation continue qui a permis de former, en Algérie et à l'étranger, des dizaines d'enquêteurs spécialisés dans le domaine de la cybercriminalité. Monsieur le ministre d'Etat, toujours dans le domaine de la coopération régionale, pouvez-vous nous dire comment vous envisagez la coopération arabo-africaine dans le domaine sécuritaire ? La nation arabe et l'Afrique appartiennent à un espace géographique, culturel et civilisationnel partagé, défini par des liens historiques profonds qui les unissent. De ce fait, l'Afrique constitue le prolongement stratégique de la nation arabe, notamment par le fait que près de la moitié des Etats arabes appartiennent en même temps à l'espace africain. C'est pour cela que nous devons aujourd'hui activer les mécanismes d'une coopération arabo-africaine dans tous les domaines et notamment en matière sécuritaire pour poser les bases de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans les pays africains et arabes. Comme il convient d'intensifier nos efforts communs dans la lutte contre le terrorisme qui constitue une menace contre nos deux entités, arabe et africaine, et qui entrave nos efforts pour le développement socio-économique de nos pays et qui influe négativement sur la stabilité régionale et mondiale. Ainsi, le monde arabe autant que l'Afrique sont confrontés aux mêmes défis et aux mêmes effets produits par la mondialisation, notamment des défis sécuritaires et plus précisément de lutte contre le terrorisme, ce qui nous oblige à nous unir pour faire face ensemble à ce fléau. Et dans cet ordre d'idées, l'Afrique, tout comme les pays arabes, a été à l'avant-garde dans la mise en œuvre de mécanismes adaptés pour affronter le terrorisme, ce qui fait qu'il est essentiel aujourd'hui pour ces deux entités de mettre en place des mécanismes efficaces de coordination pour affronter ensemble le fléau du terrorisme et les formes de criminalité qui lui sont rattachées, comme je crois qu'il leur est également nécessaire d'engager des relations de coopération et d'échange d'informations et d'expériences dans ce domaine à travers les institutions sécuritaires arabes et africaines et d'instaurer, dans un second temps, une coopération et une coordination avec l'organisation Afripol que les chefs de police et de sécurité africains ont décidé de créer et qui aura son siège à Alger.