Le spectre de la guerre civile est alimenté par l'absence de toute perspective de règlement de la crise yéménite. La proposition des rebelles houthis, qui se sont déclarés « prêts au dialogue », a reçu une fin de non recevoir de l'Arabie saoudite. Ryad exige une reddition pure et simple. Le fossé s'élargit. Si les Houthis, opposés à tout retour du président en fuite, Abd-Rabo Mansour Hadi, réclament la fin de l'agression et des éventuelles négociations supervisées par des parties internationales ou régionales « non hostiles au peuple yéménite », Ryad annonce la poursuite de l'offensive jusqu'à la satisfaction des « objectifs » tracés. L'option d'un dialogue entre les camps rivaux est, pour le roi Salmane, seulement possible dans le cadre du Conseil de coopération du Golfe (CGC), dont 5 de ses membres font partie de la coalition arabe dirigée par l'Arabie saoudite. La position de neutralité du sultanat d'Oman peut-elle autoriser le lancement d'une initiative de paix ? Cette fenêtre d'opportunité a été exploitée par l'Iran qui a officiellement sollicité l'aide de Mascate pour faire cesser « immédiatement » les frappes aériennes. Vendredi, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hosseïn Amir-Abdollahian, a remis aux autorités omanaises une lettre du président Hassan Rouhani qui insiste « sur la nécessité d'aider pour arrêter immédiatement les attaques contre le Yémen et empêcher que la guerre ne s'étende dans la région ». Elle demande aussi de « se concentrer sur les moyens politiques » pour mettre fin à la crise au Yémen. Pour le moment, le drame yéménite est voué à l'enlisement car la coalition est incapable de freiner la progression des Houthis et est forcée à demander l'aide du Pakistan, en troupes et en avions. Dans des combats qui ont fait, en 2 semaines, plus de 500 morts et près de 1.700 blessés, selon les Nations unies, la présence des Houthis au centre d'Aden marque l'échec de l'intervention militaire. Les rebelles qui ont pris le quartier d'Al Moalla, au centre d'Aden, se sont emparés du siège de l'administration provinciale et se sont rapprochés du port. Ils ont bombardé des zones résidentielles, mettant le feu à plusieurs habitations et endommageant d'autres. Ce qui a poussé des dizaines de familles à prendre la fuite. A l'ombre du bras de fer entre les Houthis et la coalition régionale, la situation chaotique est mise à profit par les terroristes de Daesh. Il n'a pas fallu attendre longtemps à la secte pour passer à l'action. Des attaques sanglantes ont ciblé, le 20 mars dernier, à Sanaa, des mosquées chiites, provoquant la mort de 142 personnes. Le scénario du pire est envisagé par des observateurs locaux et étrangers. Au lendemain de l'attaque, le journaliste yéménite, Ali Al-Bakhti, a imploré les Houthis de ne pas « tomber dans le piège » des représailles. « Les terroristes ne trouvent pas d'autre moyen pour ‘'l'irakisation'' du Yémen que de cibler les mosquées et de tuer les fidèles. Ils espèrent pousser l'autre côté à répondre en commettant, eux aussi, des meurtres sur critère confessionnel », dira le journaliste. Pour l'expert, Romain Caillet, « toutes les conditions sont réunies pour imaginer une issue similaire à l'Irak ou la Syrie. Voire à la Libye actuelle ».