« Nous piétinons sur le chemin qui mène à un monde dénucléarisé », constate Angela Kane, haute représentante de l'ONU pour le désarmement. « Les Etats dotés de l'arme atomique ne respectent pas leurs promesses » de réduire leurs arsenaux. Elle souligne la frustration croissante des Etats non nucléaires qui « ont le sentiment de ne pas être pris au sérieux ». L'ancien ministre australien des Affaires étrangères, Gareth Evans, qui a présidé la Commission internationale sur la non-prolifération nucléaire, parle même de « paralysie, voire de recul ». Dans un contexte de guerre froide relancée par la crise ukrainienne, la crispation américano-russe compromet grandement les chances de reprise des négociations de désarmement entre Moscou et Washington, vouée à la panne sèche. Une impasse « fermée », d'autant plus que les promesses en berne de la conférence de 2005 ont été de nouveau au cœur de l'édition de 2012 d'Helsinki, jamais tenues et pourtant dédiées à la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Proche-Orient. A New York, les signataires du TNP, regroupant 190 pays ou entités, ont du pain sur la planche. Si « l'effet positif » de Lausanne peut influer sur les débats qui dureront jusqu'au 22 mai, il reste à traduire dans les faits la vocation même du TNP portant sur le désarmement, la vérification du caractère pacifique des programmes nucléaires nationaux et l'utilisation civile de l'atome. « On s'efforce de résoudre l'une des deux grandes crises dans ce domaine », a fait savoir un participant, pointant du doigt la Corée du Nord qui s'est retirée du TNP en procédant à trois essais nucléaires. En marge de la conférence de suivi, il est ainsi prévu une rencontre entre le secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif pour poursuivre les discussions sur l'accord-cadre de Lausanne, appelé à être complété avant la fin du mois de juin. Mais la « bonne nouvelle » iranienne ne peut occulter les bases inégalitaires et iniques de la bataille de non-prolifération nucléaire aux antipodes du statut immunitaire des 5 grandes puissances du Conseil de sécurité et du traitement discriminatoire frappant d'interdit les pays du Sud, à l'exception notable des alliés occidentaux que sont l'Inde et le Pakistan et plus particulièrement Israël, non signataires du TNP. Le cas pathologique de Tel Aviv, disposant de 100 à 400 ogives, fait peser de lourdes menaces sur la sécurité et la paix dans la région explosive du Moyen-Orient. Le précédent irakien qui contribue, selon Obama, à un « monde plus sûr », s'appliquera-t-il au cas israélien, disposant d'une puissance équivalente à 4.000 bombes d'Hiroshima, de vecteurs comprenant plus de 300 chasseurs F-16 et F-15 dotés de missiles Popeye à tête nucléaire, de 50 missiles balistiques Jéricho II sur rampes de lancement mobiles et de 4 sous-marins Dolphin, fournis par l'Allemagne ? L'arsenal nucléaire israélien, conçu par la France et soutenu par d'autres puissances européennes, est la parfaite illustration du Moyen- Orient en danger de prolifération. Car si la sécurité collective et le droit à l'énergie pour tous les peuples restent des principes imprescriptibles, la responsabilité mondiale des 5 grandes puissances nucléaires est totalement engagée pour une dénucléarisation du Proche et Moyen- Orient à laquelle ne peut se soustraire « l'exception israélienne ». Le signal fort de l'Iran a démontré aisément que la négociation dans un cadre multilatéral est une option réaliste et la seule issue pour « un monde plus sûr ».