Qu'est ce qui A fait revenir Francis Pornon de ce coté-ci de la Méditerranée ? Et de surcroît en pleine canicule ! Traverser le Grand fleuve autre nom affectueux de la Grande Bleue. Retourner coûte que coûte et aller à la recherche de souvenirs qui ne sont pas les siens mais ceux d'un écrivain, poète, homme de cœur, humaniste qu'est Jean Boudou. Au fait, pourquoi parler au passé de cet homme, Jean Boudou, venu de son lointain afin de rejoindre ce nord de l'Afrique dans le but d'«une quête d'homme»?, lui si vivant, dans le récit que trace au jour le jour l'auteur … jusqu'à nous faire aimer un être porteur en lui d'amitié pour le reste de la création et principalement envers les créatures de Dieu, humbles, aimantes et chaleureuses. Un vécu de plusieurs années dans le village de l'Arbâtache dans la plaine de la Mitidja fuyant des bleus au cœur et à l'âme, c'est Jean Boudou. Il fuit la tempête intérieure et vient comme coopérant et enseignant de langue française. Humble parmi les humbles, Boudou l'occitan, le professeur est également écrivain. Quel écrivain ! Mais il rédige en langue d'oc. L'occitan. Sa langue maternelle et le parler de la terre qui a pétri sa chair et son âme. On lit les mots amicaux, fraternels, bienveillants de Francis Pornon. Il couche dans ses pages destinées à prolonger l'existence de Boudou, une vénération envers l'ami découvert trop tard. Il l'aperçoit, l'entrevoit, le suit entend sa voix et perçoit son souffle. Francis Pornon prend la route, emprunte les rues d'Alger, parcourt les chemins de l'Arbâtache pour arriver non sans peine à son ami. Son presque double. Parce que Francis Pornon, lui également, est un Algérien d'adoption comme Boudou. Ils ont été presque à la même période coopérants. Ils ont connu cette Algérie des années belles, celle des espérances «du socialisme, de la politique du reboisement et du Che venu planter son arbre!». Chemin faisant, l'auteur contacte, va au-devant de personnes susceptibles de lui parler de Boudou mort dans ce hameau de l'Arbâtache, retrouve des copains, des amis. «Je continue à grimper en soufflant…à grimper vers les hauts d'Alger comme si je devais y retrouver Jean, l'homme souffrant du mal d'amour». Et puis, c'est le village, le bled des «quatorze vigiles» de la légende. Entre deux tâtonnements, ses souvenirs à lui, refont surface. Il y a comme un parfum de nostalgie qui baigne. De la mélancolie mais du bonheur également. Car Jean Boudou est vivant chez ces habitants de l'Arbâtache. Et même s'il s'est éteint dans leurs bras, il vit encore et encore au milieu d'eux «derrière moi, le soleil au zénith. Devant moi , tout le pays s'étend jusqu'à la mer, là-bas, à l'horizon dans un éblouissement». On est heureux d'avoir rencontré chez ce vieux bouquiniste de la rue Didouche, Jean Boudou. Et même ailleurs. Dans le récit qui lui est consacré.