Le colloque international consacré aux massacres coloniaux s'est ouvert, hier, à l'Université des sciences islamiques Emir-Abdelkader de Constantine. Organisé par le département colloques et congrès du comité exécutif de la manifestation « Constantine, capitale de la culture arabe 2015 », ce colloque, programmé à Constantine, Sétif, Guelma et Sétif, verra la participation d'historiens, sociologues, psychologues et anthropologues algériens et étrangers. Slimane Hachi, chef du département colloques et congrès, dira dans l'allocution inaugurale : « Nous avons programmé quinze séminaires durant cette année culturelle. C'est un débit scientifique important. Ce colloque se déplacera dans quatre universités. Le 8 Mai 1945 y sera évoqué mais nous voulons aborder d'autres crimes coloniaux commis en Afrique et en Asie pour établir des connexions et trouver des points communs. » Pour sa part, Abdelmadjid Merdaci, président du comité scientifique de la manifestation, explique que les communications s'interrogeront sur la nature du colonialisme et les répercussions des massacres, que ce soit en Algérie, en Tunisie, au Vietnam ou au Kenya. « Au lieu de faire un travail de recherche sur l'histoire, nous réduisons cela à une sphère symbolique, en donnant uniquement des chiffres qui souvent ne s'appuient pas sur des études sérieuses. Il ne faut pas faire le procès de la population française, mais nous devons situer les événements et penser à engager des procédures pour la reconnaissance des crimes de la France via l'implication d'associations par exemple », soutient l'historien. Le Palestinien Raed Badr de l'Université Beir Zeït a évoqué, quant à lui, le projet de l'administration française au milieu du XIXe siècle prévoyant le transfert de la population subsaharienne estimée à l'époque à 100.000 âmes. L'objectif, selon lui, est qu'à travers ce procédé, les Français avaient tenté d'effacer graduellement l'identité algérienne. « Le projet, qui allait s'étaler sur trois ans, prévoyait le transport, chaque année, de 30.000 individus issus des pays subsahariens via des caravanes. C'était un acte d'esclavagisme moderne malgré la promulgation du décret du 27 avril 1848 interdisant l'esclavagisme en France. Il était prévu que les Maliens ou les Nigériens partent travailler dans les grands champs agricoles en tant que domestiques ou encore pour rallier l'armée française. Heureusement que cette résolution a été abandonnée suite au refus de la Chambre des pères à Paris et au lobbyisme exercé par les colons qui préféraient le transfert de la population européenne ». Raed Badr a clos son intervention en insistant sur le fait que ce procédé est similaire à celui de l'Etat sioniste qui ambitionne toujours d'effacer l'identité des Palestiniens par un dépeuplement et un transfert massif des juifs dans les territoires occupés. Le cas des massacres du port de Bizerte, en Tunisie, durant l'été 1961, a été évoqué par Abdelmadjid El Jamel de l'Université de Sfax, qui a estimé que ce massacre qui a coûté la vie à 1.500 civils « s'inscrit dans la logique du général Charles de Gaulle, qui a réagi de la sorte pour faire pression sur le FLN ». Des historiens de renommée interviendront aujourd'hui et demain dans le cadre de ce colloque, à l'instar de Fouad Souf (archiviste chercheur associé au Crasc), des Anglais William Gallois et James House, les Américains Benjamin Brower et Todd Shepard, les Français Gilles Manceron (historien et vice-président de la Ligue française des droits de l'homme), et l'historien Benjamin Stora.