Une manifestation sauvagement réprimée par les forces armées françaises et les milices coloniales. Hier, l'heure était au recueillement et à la commémoration de ce crime resté impuni. Comme il y a 70 ans, les Scouts musulmans algériens étaient en avant du cortège qui s'est ébranlé de la mosquée Abou Dhar Al-Ghaffari (ex-mosquée de la Gare) pour rejoindre, quelques dizaines de mètres plus bas, l'avenue du 1er-Novembre 1954 (anciennement boulevard Georges-Clémenceau). Le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, a participé, pour le symbole, à cette imposante marche aux côtés des autorités locales, des secrétaires généraux d'organisations nationales, de moudjahidine et de simples citoyens. La marche pour la mémoire a rejoint ensuite l'avenue 8-Mai-45 pour s'immobiliser devant la stèle érigée à l'endroit même où s'écroula le premier martyr des massacres, Bouzid Saâl. Une gerbe de fleurs a été déposée, dans une atmosphère lourde d'émotion, au pied de cette stèle comportant un buste en bronze à l'effigie de Bouzid, alors âgé de 22 ans, abattu par un commissaire de police parce qu'il refusait de baisser le drapeau algérien. Présent aux festivités, le ministre des Moudjhadine, Tayeb Zitouni, a affirmé que les massacres du 8 mai 1945 ont hâté le déclenchement de la révolution du 1er novembre 1954. Ces évènements, dit-il « ont hâté le déclenchement de la guerre de libération, conduite par des hommes qui ont consenti de lourds sacrifices pour libérer l'Algérie du colonialisme français ». Avant d'ajouter que les évènements du 8 mai 1945 « ont prouvé au monde entier la maturité du peuple algérien et son attachement à la paix, en témoignent ses marches pacifiques organisées pour revendiquer l'indépendance », a souligné le ministre, précisant que les dirigeants du mouvement national avaient donné des instructions aux manifestants de s'abstenir de tout port d'armes. Pour ce qui est de la commémoration des évènements, le ministre a affirmé que la communauté algérienne établie à l'étranger sera associée aux différents programmes liés à la préservation de la mémoire collective nationale « afin de renforcer son lien avec l'Histoire de son pays ». Au cours d'une rencontre avec des membres d'une « caravane de la fidélité », à Hammam Guergour, mise sur pied par des membres de la communauté algérienne vivant en France dans le cadre de la commémoration du 70e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, le ministre a précisé que la Révolution algérienne est « l'œuvre de tout le peuple algérien, de toutes ses classes sociales et, également, de ses nationaux résidant à l'étranger ». Sur un autre chapitre, les participants au colloque international sur « les massacres coloniaux, cas des massacres du 8 mai 1945 » ont considéré, jeudi dernier, à Guelma, que la prescription « n'affranchit pas le gouvernement français de sa responsabilité ». La prescription ne dédouane pas la France de sa responsabilité internationale légale dans « les crimes sauvages perpétrés par le colonialisme le 8 mai 1945 à Guelma, Sétif et et Kherrata », ont-ils souligné. Dans son intervention lors de la première séance du colloque, tenu à l'auditorium du nouveau pôle universitaire en présence des autorités locales, Aymane Salama, professeur de droit international à l'Université du Caire, a estimé que la responsabilité de la France dans les crimes des forces françaises contre des Algériens désarmés reste « entière après 70 ans ». De son côté, l'historien, journaliste et militant de la Ligue française des droits de l'Homme, Gilles Manceron, a traité des « multiples entraves concrètes, politiques et légales » qui empêchent encore la France de reconnaître ses crimes en Algérie, notamment les massacres du 8 mai 1945. Un grand travail doit être réalisé pour « conduire certaines forces politiques françaises qui furent, de près ou de loin, impliquées dans ces crimes, à dire la vérité », a soutenu Manceron qui reconnaît l'existence, dans les milieux français, de « beaucoup d'ennemis de l'aveu ».