Connaître l'histoire de l'Algérie dans sa continuité, mettre la lumière sur des zones d'ombre et rompre avec la vision coloniale autour de la question de la colonisation est la « meilleure façon de se réapproprier notre histoire », a estimé le réalisateur Nazim Souissi. « Le peuple n'a jamais cessé de résister pendant 132 ans et l'indépendance de l'Algérie était un rêve pour des générations qui sont nées et sont mortes sous la colonisation française », a souligné le réalisateur au cours du débat qui a suivi la projection, samedi dernier au soir à El khroub (Constantine), de son film documentaire « Merci pour la civilisation ». Il a rappelé que la guerre de Libération nationale était l'aboutissement de plus d'un siècle de lutte contre un système colonial abject, appelant académiciens, chercheurs et journalistes à « déterrer des épisodes de notre histoire » pour, a-t-il soutenu, un « retour aux origines et un renforcement des liens au sein la société ». Affirmant que « Merci pour la civilisation » n'a pas pour objectif de « répondre à une quelconque polémique », M. Souissi a précisé que le documentaire « piste » les premières années de l'occupation française en Algérie et retrace une période peu connue et des fois « occultée » par certains historiens français qui se sont intéressés à l'histoire de l'Algérie. Le film documentaire de 69 minutes revient sur la période de la colonisation de l'Algérie entre 1830 et 1834, et « exhume » des faits historiques et des détails qui renseignent sur cette période précise, s'appuyant, notamment, sur des correspondances administratives françaises et celles des consuls étrangers présents durant cette période à Alger. Sur les traces de ce que la France a présenté comme « une expédition civilisatrice », le documentaire, coécrit par Nazim Souissi et Zineb Merzouk, met la lumière sur le pillage de la Casbah en août 1830, le premier massacre des civils algériens à Blida en novembre de la même année et l'extermination d'une tribu à El Harrach. Le documentaire, enrichi par l'intervention d'historiens, d'universitaires, d'écrivains et un architecte paysagiste, revient sur le vécu des Algériens avant l'occupation, leur niveau de vie et leur savoir-faire industriel et artisanal, et détaille une période d'occupation brutale et violente qui a bouleversé le destin de tout un peuple. Au cours du débat qui a suivi la projection au centre culturel M'hamed Yazid d' El Khroub, des intervenants ont évoqué la « rareté » de la source algérienne pour l'écriture de l'histoire, quand d'autres ont mis l'accent sur les archives algériennes en France et l'importance de les restituer. Des intervenants ont, pour leur part, souligné « l'étourderie » qu'éprouveraient des universitaires, des historiens et même des journalistes-reporters à approfondir, à travers des recherches et des documentaires, des faits historiques tels les enfumages, l'extermination et les massacres de dizaines de tribus durant 132 ans d'occupation, tandis que d'autres ont appelé à élargir la diffusion de ce documentaire aux établissements scolaires. Selon M. Souissi, une demande de contribution à la traduction en arabe dialectal du documentaire « Merci pour la civilisation » a été déposée auprès du ministère des Moudjahidine l'objectif étant d'assurer une diffusion pour le large public.