Le Burundi replongera-t-il dans l'ère de la guerre civile qui a opposé, de 1993 à 2006, l'armée, dominée par l'élite tutsi, et la rébellion hutu ? Si les 10 ans de paix et de stabilité ont été garantis par le consensus entériné par les accords d'Arusha, les législatives de toutes les incertitudes ont rompu le fragile équilibre institué par un bras de fer incessant entre le président en exercice, Pierre Nkurunziza, candidat à un 3e mandat, et une opposition criant à la violation de l'esprit d'Arusha et de la Constitution. L'enjeu du scrutin porte sur la participation qui reste la grande inconnue. Dans son aspect strictement électoral, le renouvellement des 100 députés, de 3 membres de l'ethnie minoritaire Twa et un nombre variable d'élus cooptés dans les listes en lice tend à reproduire les équilibres d'Arusha dans une Assemblée représentée par la majorité hutu (60%), la minorité tutsi (40%) et les femmes (30%). Mais, officiellement ouverts hier, les bureaux de vote ont connu une flambée de violence qui risque de porter atteinte à la régularité du scrutin boycotté par l'opposition. Des opérations de vote ont été ainsi retardées à Bujumbura confronté quelques heures après le début des législatives à des attaques à la grenade. Dans un quartier de la capitale, une attaque a été menée contre un groupe de policiers postés sur l'avenue principale. La crédibilité du scrutin est donc en jeu. Face à la décision du président burundais de maintenir le vote, ignorant les multiples appels au report, le retrait des missions d'observations de l'Union africaine et de l'Union Européenne porte un coup sévère au régime de Pierre Nkurunziza plus que jamais isolé et fragilisé par la défection du vice-président de la Cour constitutionnelle, Sylvère Nimpagaritse, du 2e vice-président Gervais Rufyikiri, et du deuxième personnage de l'Etat en la personne du président de l'Assemblée nationale, Pie Ntavyohanyuma, réfugié en Belgique. Des opposants, des journalistes, des membres de la société civile et des cadres frondeurs du CNDD-FDD au pouvoir ont pris le chemin de l'exil. Une grave hémorragie attestant de la crise politique et institutionnelle aux conséquences dangereuses. « La décision du gouvernement du Burundi d'ignorer la dernière proposition de la facilitation internationale menée par l'Union africaine, la Communauté d'Afrique de l'Est, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et les Nations unies de reporter les élections constitue un fait grave », a affirmé l'Union européenne. Dans un communiqué, un porte-parole du service diplomatique de l'UE a affirmé que « l'organisation des élections législatives ce 29 juin, sans mettre en place les conditions minimales pour assurer leur crédibilité, transparence et inclusivité, ne pourra qu'exacerber la crise profonde que traverse le Burundi ». Tout en menaçant de suspendre l'aide européenne, prévue dans les accords de Cotonou, Bruxelles a agité la carte des sanctions imposées aux responsables « d'actes de violence et de répression » ou ceux qui « entraveraient la recherche d'une solution politique » consensuelle. Le message de fermeté plombe le processus électoral mené au forceps par Bujumbura qui a mobilisé les forces de sécurité et compte sur l'appui des « Imbonerakure » qui ont été qualifiés de milice par l'ONU pour venir à bout de « l'insurrection » et se frayer un chemin royal pour la présidentielle qui doit avoir lieu, dans un second temps, le 15 juillet. Tous les ingrédients d'une nouvelle guerre civile sont réunis.