Il est presque deux heures du matin. Les vendeurs de thé ont emballé leurs ustensiles et rentrent d'un pas tranquille. L'un d'eux vient de Tamanrasset. Il est là pour toute la saison estivale. Quelques familles s'attardent encore devant les stands de bijoutiers et de vendeurs d'ustensiles en céramique, de robes kabyles ou de tableaux de sable. Ils s'alignent au cordeau et proposent aussi des colifichets pour enfants et même quelques pièces d'artisanat authentiques comme cette belle jarre d'eau « tassabalt », joliment décorée. Ceux qui ont un petit creux peuvent s'arrêter et acheter un gâteau traditionnel. La grande attraction parait être ces deux kiosques où, pour 200 DA le ticket, les enfants peuvent découvrir pendant une dizaine de minutes des projections en 9D et vivre des sensations fortes. Beaucoup d'autres errent sans but précis et quelques jeunes reluquent les filles. On n'a pas pourtant affaire à ces bandes de jeunes qui malmènent les gens par une violence verbale. Discrètement, de nombreux policiers assurent la tranquillité des lieux. Le boulevard qui s'étire sur près de deux kilomètres, parallèlement à la mer, ne désemplit pas encore. A deux pas de l'eau, des familles sont encore là autour d'une boisson ou papotent sous les parasols qui piquètent la plage centrale. De l'autre côté de la route piétonne, d'autres se sont attablés devant des plats de brochettes ou des coupes de glace. « Le week-end surtout, nous sommes débordés », nous confie un jeune serveur. Et sur le sable, quelques jeunes continuent tranquillement une partie de beach-volley. Quelques enfants semblent plus intéressés par les jeux de balançoire, les poneys et les toboggans. On peut même faire un tour à dos de cheval. C'est le cœur battant de la ville qui, chaque soir, connaît une grande animation. Par contraste, les autres quartiers sont plongés dans la torpeur. Quelques groupes de jeunes sont en bas des immeubles, d'autres arpentent les ruelles bien ou mal éclairées ou ressortent des mosquées. Boumerdès la nuit, c'est surtout cette promenade en bord de mer. Elle s'annonce par des parkings remplis, des fourgons qui déversent les voyageurs qui viennent des localités limitrophes. On y débarque de Lakhdaria, de Rouiba et d'Alger. Quelques familles de la capitale rompent le jeûne sur place, bien avant que les lieux ne se remplissent de monde. Concerts de musique Un père de famille a bravé la nuit depuis Tizi Ouzou. « La circulation est très fluide et hormis quelques tronçons comme entre Naciria et Bordj Ménaiel, ou en traversant la ville des Issers, on roule sur une route éclairée comme en plein jour », nous dit-il. C'est surtout la fuite de la canicule qui explique cette ruée. Le cadre tranquille semble aussi attirer les milliers de visiteurs du soir. Un peu plus haut, à une centaine de mètres, la maison de la culture Rachid-Mimouni offre un cadre lugubre. Le spectacle de la soirée est terminée et quelques personnes, qui semblent être des gardiens, s'adonnent dans le hall à une partie de dominos. Un programme d'animation est certes affiché, mais il n'attire pas de monde. Point d'affiches et de posters colorés. Une simple affiche annonce le passage de chanteurs essentiellement de chaâbi (Chaou, Galliz), des vedettes kabyles (Akli Yahiatène et Aït-Menguelet) et quelques séances nocturnes d'inchad. On prévoit aussi des pièces de théâtre mais la ville manque d'infrastructures dédiées au septième art et les troupes de la région (Issers, Boudouaou ou Bordj Ménaïel) se produisent davantage à Tizi Ouzou où les femmes sont plus nombreuses et plus coquettes. A l'autre extrémité de la ville, le jardin pittoresque des « 800 logements » offre une imprenable vue panoramique sur la grande- bleue et le front de mer, à droite, et la forêt de Corso, à gauche. Il attire également beaucoup de monde jusqu'à des heures très tardives. Tidjelabine, qui n'est plus le lieudit qu'on traversait en hâte, et Thénia, ne semblent pas pressés de céder aux assauts du sommeil.