Il était temps que ça se termine. Les deux dernières étapes de montagne de ce Tour de France ont failli être celles de trop pour Chris Froome. Il n'en aurait pas fallu une de plus pour le maillot jaune, qui a perdu les deux tiers de son avance sur Nairo Quintana, vendredi et samedi. Et autant il avait à peu près bien colmaté la brèche à La Toussuire, autant l'avarie à l'Alpe d'Huez, deux fois et demie supérieure, a pris une proportion inquiétante. « J'étais inquiet, je ne vais pas mentir », a admis le Britannique, qui a finalement perdu 1'26 », bonifications comprises, pour préserver 1'12 » sur son adversaire. « C'était incroyablement dur. Chris n'était pas au mieux », a confirmé Richie Porte, le dernier Sky à accompagner son leader samedi. A chaud, Froome a même considéré qu'il s'agissait là de l'ascension la plus difficile de sa carrière. « Je suis mort 1.000 fois dans l'Alpe d'Huez », a lancé le maillot jaune pour imager sa petite galère. Pour autant, le « panic button » n'a jamais été activé dans le clan britannique. « J'ai été rassuré car les écarts n'augmentaient pas de façon trop importante, relève Froomey. On a réussi à maîtriser. Wout (Poels) et Richie (Porte) ont fait un travail formidable en imposant le bon tempo. » « La véritable clé du succès, ce fut ma constance » 72 secondes. Voilà ce qui sépare Chris Froome de Nairo Quintana au final. C'est à la fois peu et beaucoup. Le Colombien estime avoir perdu ce Tour en première semaine, notamment dans la bordure de Zélande (1'28). Sur l'ensemble des étapes de montagne, Froome a globalement perdu du temps sur Quintana. Mais il balaie l'argument. « Avec des si... Si je n'avais pas possédé cet avantage à ce moment de la course, ma stratégie aurait alors été différente. J'aurais sans doute été plus agressif. On ne refait pas la course avec des si », tranche-t-il, non sans raison. Froome a su frapper quand il le fallait. Et surtout quand il l'avait prévu. Comme à La Pierre-Saint-Martin, le premier col du Tour. « J'avais choisi l'étape de La Pierre Saint-Martin pour attaquer, a-t-il dévoilé samedi. J'avais averti mes équipiers que j'attaquerais à cet endroit. C'était planifié depuis trois semaines. Ce jour-là, j'ai pris une avance qui m'a ensuite permis de contrôler Quintana. » Sur trois semaines, il est clairement celui qui a commis le moins d'erreurs. « J'ai frappé un grand coup à La Pierre Saint-Martin mais la véritable clé du succès, ce fut ma constance, conclut-il. En Zélande, vers Huy, dans la montagne... » « J'ai l'impression d'avoir tout combattu, tout vaincu » Rarement maillot jaune, il aura évolué dans un contexte aussi compliqué que Chris Froome cette année. La suspicion, constante depuis son coup de force pyrénéen, ajoutée à l'hostilité d'une partie du public, aurait pu faire perdre les pédales au leader de la Sky. « J'ai l'impression d'avoir tout combattu, tout vaincu », a-t-il avoué samedi dernier au soir. Pour autant, il l'assure, ce maillot jaune, qu'il a porté 16 journées durant, n'a « jamais été un poids, mais un honneur ». « Mais c'est vrai que cette année, on a dû se battre contre tellement d'éléments. On aurait pu se déconcentrer, oublier ce qu'il fallait faire en termes de course. Mais les événements ont soudé davantage l'équipe. » Froome n'a pas non plus voulu épiloguer sur le comportement de certains spectateurs. Ces deux derniers jours, il a pourtant subi bras d'honneur, crachats et jets divers (de la bière, samedi, selon Pierre Rolland). « Il y avait à nouveau des personnes agressives. Mais 99% de la foule a été fantastique. C'est cela que je veux retenir du Tour de France », a-t-il relativisé. C'est dommage quand certains individus ont un comportement déplorable qui nuit à la majorité des vrais supporters. Mais je n'ai rien fait de mal et je ne mérite pas ça. » Mais selon lui, c'est plus un symbole qu'un homme qui a été visé : « Je ne prends d'ailleurs pas les huées à titre personnel. C'est circonstanciel. Et ça n'enlève rien à ma joie d'être à Paris en jaune. » « Continuer aussi longtemps que possible » A l'aube de sa deuxième victoire dans le Tour de France, Chris Froome va pénétrer un cercle beaucoup plus restreint qu'en 2013. Il n'a encore que 30 ans et n'a visiblement pas l'intention de s'arrêter en si bon chemin. Il se voit même continuer encore de nombreuses années. « Ce qui me réveille tous les matins, c'est la passion du cyclisme. Pousser mon corps jusqu'à la limite, explique-t-il. Mon objectif est de faire ça jusqu'à 36, 37 ou 38 ans, si mon corps me le permet. Je vais essayer de continuer aussi longtemps que possible. » Alors qu'il deviendra papa dans quelques mois pour la première fois, le « Kenyan blanc » assure conserver une motivation intacte. « Les entraînements, pour moi, c'est l'aspect du vélo que j'adore, a-t-il ajouté à l'Alpe d'Huez. C'est l'entraînement qui me fait réveiller tous les matins. Le vélo, je ne fais pas ça pour la gloire ou le palmarès. » Le sien commence pourtant à sérieusement s'étoffer. Et rien ni personne n'a pu se mettre en travers de cette ambition cet été.