Les intervenants au colloque organisé à Jijel par le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) autour « de la toponymie algérienne : du local au national » ont permis à l'assistance de voyager à travers le temps et l'espace. Les interventions ont porté sur l'évolution des appellations de nos villes, villages et quartiers, les facteurs des changements opérés et, surtout, les origines à la fois profondes et lointaines de ces noms qu'ont portés ces lieux durant des siècles traduisant ainsi les relations très étroites entre l'homme et sa terre. De la région de Chlef, à Cherchell, Alger, Tlemcen, Sidi Bel Abbès, Gourrara (Timimoun), Tizi Ouzou, Bejaïa, Bouira, Khenchela, Ghardaïa, à Mascara, les exposants ont passé en revue, avec détails et illustrations, les appellations amazighs que les populations autochtones ont données, depuis la nuit des temps, aux composantes de leur environnement immédiat. Retraçant l'histoire d'un lieu donné, son attachement à la nature, l'état psychologique de ses occupants, ou tout simplement le nom de la personne qui l'a fondé ou occupé en premier, ces noms n'ont fait qu'exprimer et confirmer une volonté d'identification et d'existence. Ce colloque est une occasion pour revenir sur « les changements des noms opérés » ces dernières années à travers les découpages administratifs et la généralisation de l'arabisation, ce qui a donné des modifications qui ont complètement changé le sens des noms. Le même processus a eu lieu également pendant l'indépendance et bien avant où des noms ont été donnés à des lieux pour ainsi effacer la culture et les spécificités de cette terre. L'Algérie indépendante, les pouvoirs publics se sont contentés de dénommer des noms de rue pour remplacer les noms coloniaux sans pour autant initier une quelconque opération de nomination des cités construites après l'indépendance. Donner un nom à un lieu c'est d'abord vouloir s'en approprier, créer une cohésion sociale et en faire des repères qui définiront une évolution de cette société. La langue et la transcription des toponymes ont suscité un débat passionnés. Si certains ont estimé nécessaire d'écrire des noms en caractère latin, d'autres ont plaidé pour le respect du nom d'origine sans traduction aveugle et sa transcription fidèle à partir de sa prononciation. L'utilisation de plusieurs langues dans l'écriture des toponymes est le courant dominant, ce qui permet la compréhension de ces noms. C'est ainsi que la codification de la transcription des toponymes est une revendication qui revient avec force et insistance. Les experts en histoire, en archéologie, en linguistique, les sociolinguistiques, les préhistoriens, les géographes, les dialectologues et bien d'autres chercheurs de renommée ont exposé les différents aspects de la problématique et plaidoyé en faveur d'une transcription juste et correcte des noms, le respect des spécificités des régions, la consultation de la population locale et la diversification des sources. Les conférenciers ont constaté que la dénomination des rues reprend, en grande partie, les noms des personnalités au détriment des noms graphiques, de plus en plus rares. Ils ont mis en garde contre la déperdition de la tradition de nomination des nouvelles cités et son remplacement par des noms numériques qui ne reflètent aucune culture ou civilisation. Pour les chercheurs, la priorité doit être accordée à « la conservation de la toponymie qui existe et qui n'est pas rien » et à « la reproduction des noms qui ont disparu ou qui ont été modifiés aux nouvelles cités en construction ». Ce colloque a vu la participation de jeunes chercheurs d'universités venus exposer leurs travaux et prendre part à un débat à la fois riche, fructueux et passionné. Une exposition et vente-dédicace de livres et ouvrages édités par le HCA en tamazight sur le thème du colloque et autres thèmes de la culture amazigh est organisée en marge du colloque.