Si, dans les transports publics les Algériens lisent très peu, ce n'est sûrement pas dans les plages qu'on les retrouve le nez plongé dans un livre. Du moins, à une exception près. Il est vrai que les pouvoirs publics, par le double truchement des ministères de l'Education et de la Culture, ont, depuis quelques années, et sans lésiner sur les moyens, mis les bouchées doubles pour réconcilier l'Algérien avec la lecture publique, force est néanmoins de mesurer la difficulté de la tâche, qui appelle à l'implication de l'ensemble des acteurs concernés. Une petite escapade à la coquette plage Tarfaya, Les Canadiennes pour les habitués, dans la région d'Aïn-Taya, pourtant fréquentée par une certaine élite algéroise, permet de mesurer l'ampleur du drame, si on ose le mot. Une, deux, ou, max, trois personnes se tiennent cois, la tête complètement ensevelie dans un bouquin, se fichant presque du clapotis des douces vaguelettes qui se lovent au bout de leurs pieds. « Dans les années qui ont suivi l'indépendance, la lecture était presque la seconde activité des estivants. C'est vous dire l'importance que le livre occupait dans la vie citoyenne. Et pas seulement pour l'élite du pays. Aujourd'hui, hélas, seules les personnes de ma génération, ou tout au plus quelques jeunes instruits, qui osent défier l'indifférence publique en arborant un bouquin à la plage », regrette A. Hamid, ingénieur retraité d'une entreprise économique publique. Non sans égratigner les parents de priver leur enfants des plaisirs de la lecture en particulier, ce grand passionné de William Faulkner et d'Assia Djebbar, tombe à bras raccourcis sur quelques éditeurs, sans les citer, qui par les tarifs de leurs ouvrages, qui par le choix de quelques auteurs, qu'il juge un peu trop francophiles à son goût, d'avoir failli à leur noble mission de cultiver les masses. Et de proclamer sa sentence avec une note de prophétie : « Il est grand temps qu'ils mettent le paquet en mettant en avant la nouvelle génération d'auteurs qui doit avoir son mot à dire, et non pas en rééditant en boucle de vieux bouquins classiques quand bien même sont-ils importants pour le lecteur. » Moins âpre que le vieux bonhomme, mais tout aussi férue de littérature, Fatima Zohra se veut néanmoins optimiste sur un retour, tôt ou tard, du livre dans les préoccupations publiques. Comme un signe de défi, elle brandit « Ce que le jour doit à la nuit » célèbre roman de Yasmina Khadra. « Moi je pense qu'il viendra un jour où la lecture publique retrouvera sa place. Mais pour y parvenir, il faudrait mener une grande opération de sensibilisation auprès des familles, au sein des écoles mais aussi au niveau des plages. Il faut également multiplier les bibliothèques de proximités de sorte à toucher le maximum de personnes », analyse doctement cette jeune étudiante en biologie pour qui l'avenir de la lecture publique, en dépit de son état peu reluisant, n'en sera que plus beau. Vœu pieux ou non, il faut bien reconnaître que le la lecture, de nos jours, n'attire plus grand monde, que ce soit dans les plages ou ailleurs.