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L'offensive du 20 août 55 dans le Nord-Constantinois : Un grand tournant de la Révolution Double anniversaire du 20 août (1955-1956) - Deux dates, un objectif
Le samedi 20 août 1955, plusieurs villes et villages du Nord-Constantinois faisaient l'objet d'attaques de l'ALN renforcée par de simples citoyens. Etaient ciblés les casernes de gendarmerie, les commissariats de police, les réserves de carburant et tous les symboles du pouvoir colonial. A la tête de cette offensive, Zighoud Youcef, responsable de la zone 2 dans le Constantinois qui avait préparé, depuis des mois, cette opération de grande envergure avec ses adjoints Bentobal, Mostefa Benaouda, Boubnider, Kafi, Smaïn Zighed et Messaoud Boudjeriou. Selon l'historien algérien Abdelmadjid Merdaci, la veille de l'offensive, « la situation était particulièrement précaire ». Outre l'offensive du nouveau gouverneur général, Jacques Soustelle, en vue de susciter « une troisième voie qui ferait barrage aux prétentions du FLN », il y a les questions « de la direction de la résistance, des liaisons entre zones et de l'armement des maquis qui faisaient peser un risque réel sur le devenir de la Révolution ». De plus, ajoute-t-il, « la réunion, prévue en janvier 1955 par les fondateurs du FLN, Boudiaf, Ben Boulaïd, Didouche, Krim, Bitat et Ben M'hidi qui ont déclenché la Révolution de novembre, n'avait pu se tenir. Boudiaf et Ben M'hidi étaient absorbés par la question de l'armement à l'extérieur, Didouche est tombé au champ d'honneur le 18 janvier, Ben Boulaid et Bitat arrêtés respectivement en février et en mars. Seul Krim Belkacem était sur le terrain du combat ». Mais pendant ce temps, avec la grande résistance des Aurès et de la Kabylie où les forces françaises concentraient le gros des troupes, le FLN venait de remporter une victoire diplomatique éclatante sur la scène internationale en participant à la conférence des Non-Alignés, à Bandung, en avril 1955. L'offensive du Nord-Constantinois allait permettre à l'ALN de montrer que la guerre ne se limitait pas seulement à deux régions du pays. Le Nord-Constantinois allait connaître plusieurs actions de harcèlement de l'ennemi avec des opérations armées lancées à Skikda et Annaba le 8 mai, à l'occasion de la commémoration des massacres de Sétif et de Guelma. Selon les historiens, « une bombe éclata à Constantine et le 10 mai, la commune El Milia fut encerclée par les éléments de l'ALN. Des routes furent coupées et des postes de gendarmerie attaqués ». Les autorités françaises, pour leur part, avaient intensifié la répression. « La loi sur l'état d'urgence mise en application dans les Aurès et en Kabylie est étendue à l'ensemble du département de Constantine et à certaines communes des départements d'Alger et d'Oran le 16 mai 1955. » Devant ce climat répressif, du 25 juin au 1er juillet, Zighoud convoqua une conférence générale de la zone II afin de mettre sur pied son plan. L'offensive fut fixée au 20 août. Cette date se veut le signe d'une solidarité avec le Maroc, puisqu'elle coïncide avec la date anniversaire de la destitution et de la déportation du sultan Mohammed V par la France en 1953. Le plan de Zighoud ciblait les différents villes et villages, les dépôts de carburant, les postes militaires et de gendarmerie. Des listes de collaborateurs travaillant avec les autorités françaises furent aussi dressées. Outre ses capacités de mobilisation, Zighoud jouissait d'une grande popularité au sein des populations, selon beaucoup de témoignages. Il avait remporté haut la main les élections locales en 1947 lors desquelles, le mouvement national a décidé de placer ses militants. 1.500 Algériens sont tués puis enterrés dans une fosse commune L'offensive débuta, ainsi, le 20 août 1955 à midi. Les récits des historiens soulignent que « la majorité des assaillants était des paysans encadrés par des responsables de l'ALN. Ils étaient armés de gourdins, de couteaux ou d'outils agricoles ». Ce qui confirme le caractère populaire du soulèvement. à Sidi Mezghiche, El Harouch, Skikda, les fermes des colons, les postes de police et même l'aéroport furent attaqués. Les accrochages durèrent toute la journée, d'autres se poursuivront le lendemain. Dans le village minier d'El Halia, dans les environs de Skikda, l'attaque entraîna la mort de dizaines de colons européens. à Constantine, des postes militaires furent attaqués et des bombes explosèrent en plusieurs endroits de la ville. L'attaque visait ceux parmi les Algériens qui ont refusé d'apporter leur soutien à la Révolution. On précise encore que « les combats se sont étendus à d'autres régions, à Oued Zenati et à Aïn Abid, El Khroub. La ville de Collo fut occupée pendant près de quatre heures par l'ALN, les soldats de l'armée française s'étant réfugiés dans les casernes. Les autorités françaises ont fait appel à des renforts par mer ». Le village d'Abdi, au sud de Guelma, fut entièrement détruit. L'armée avait eu, dès le 23 août, une totale liberté d'action pour conduire avec rigueur les opérations. Les conséquences de la terrible répression qui s'est abattue sur la population sont là. Des villages entiers sont désertés par leurs habitants et des mechtas détruites. Hommes, femmes et enfants sont massacrés. A leur tour, les gourbis sont brûlés, le bétail massacré. L'horreur atteint son comble à Skikda, où environ 1.500 Algériens furent rassemblés dans le stade de la ville. La majorité sera exécutée puis enterrée dans une fosse commune au bulldozer. Côté français, on a donné le chiffre de 1.275 morts alors que l'ALN recensa 12.000 morts et disparus. Pour le défunt moudjahid Salah Boubnider, responsable de l'ALN et adjoint de Zighoud, « c'était le prix à payer pour voir juillet 1962 et l'écroulement du colonialisme. Il s'agissait d'une révolution. Nous avons fait ce que nous croyions être le mieux pour épargner la vie du peuple algérien ». L'offensive du 20 août, pour d'autres compagnons de Zighoud, a amené la France à « changer toute sa stratégie dans la région et à revoir ses plans ». Elle précipita, également, la tenue de cette grande rencontre des chefs de la Révolution qui fut, de l'avis de tous, un grand tournant. Il s'agit bien sûr du Congrès de la Soummam. La bataille de Constantine eut aussi, il ne faut pas l'oublier, un grand retentissement à l'étranger. Le 30 septembre 1955, la « question algérienne » fut pour la première fois inscrite à l'ordre du jour de l'ONU.